Billetterie

Fairy Queeen

4 au 29 octobre
2005

« Il y a eu le body-art, il peut y avoir le neuron’art hein? Le vocal-en-relief art? Théâtre direct-brut? On trouvera un nom plus tard, vaut mieux dire tout simplement. »

 
 
Il y avait de l’électricité dans l’air de cet appartement qu’habitaient Gertrude Stein et Alice B. Toklas, au 27 rue de Fleurus à Paris, dans le premier tiers du XXe siècle ; les peintres et la peinture d’avant-garde, de Matisse à Picasso, y avaient leurs quartiers, et les jeunes écrivains en quête de reconnaissance, tel Ernest Hemingway, venaient se frotter aux expérimentations artistiques du temps. Gertrude Stein trônait au centre de cet univers, tenant salon et développant son écriture cubiste, qui reste encore aujourd’hui si déroutante.
 
Et c’est là qu’intervient le duo Cadiot – Lagarde, plongeant une fée-poète au cœur d’une langue qui refait le parcours de l’invention artistique dans ce lieu intemporel d’une rencontre imaginaire. Mais nous sommes au XXIe siècle, et même le XXe siècle ne trouve plus son souffle dans la cadence effrénée de l’information sous toutes ses formes : films, télé, radio, journaux, vidéo-clips, publicité, divertissement, histoires et fin de l’histoire, rock and roule! La poésie éclate dans un feu d’artifice prenant acte d’un esprit du temps sur-stimulé et joyeux. On peut penser ici à un écho aux belles heures du ludisme d’un Boris Vian ou d’un Réjean Ducharme, concentré dans un spectacle réglé au quart de tour.
 
Qu’est-ce que la reine des fées peut bien venir faire aujourd’hui sur une scène de théâtre – sinon prendre la place du poète, de l’artiste ? La fée, déesse des destinées, est là pour se mesurer à Stein. Conseil chaleureux, théories littéraires, engueulade royale, surprise-partie, musique indienne attendent FAIRY QUEEN. Et le sortilège ne pourra se jouer que dans la magie des transpositions, où c’est l’invitée qui convie ses deux hôtesses et leur ami-es surréalistes à souhait à une performance complète avec le son et le corps. La féerie à domicile se donne alors dans ce contexte de la complicité des sens où s’accomplit le rituel légendaire.
 
Fairy Queen a ici la grâce de la jeune Valérie Dashwood. Gertrude Stein et Alice B Toklas, ce sont les deux excellents comédiens Philipe Duquesne et Laurent Poitrenaux, drôle et sérieux comme des papes. Le langage n’a pas de sexe – du moins, il n’en a plus, depuis que Gertrude Stein s’est efforcée de ruiner sa logique grammaticale et sa structure patriarcale.
 
Après avoir été applaudi au Festival d’Avignon en 2004, au Théâtre de la Colline à Paris au printemps dernier et avant de s’envoler pour New-York, FAIRY QUEEN sera à ESPACE GO pour 22 représentations du 4 au 29 octobre 2005. À Montréal, la faune bigarrée du salon de Gertrude Stein est incarnée par toute une nouvelle génération de comédien-nes fraîchement sorties des écoles : Sylvie de Morais-Nogueira, Ève Gadouas, Guillaume Girard, Marc-Antoine Larche, Jade Léveillé, Ève Pressault et Guillaume Tellier.
 
Arrivé au théâtre par le biais de la poésie, Olivier Cadiot est avant tout cet esprit vif et espiègle qui joue avec (et de) la littérature. De là son intérêt pour Gertrude Stein. Depuis son premier recueil L’art poétic’ (1988), il poursuit son travail d’exploration des virtualités de la langue, de l’imagination et d’une rythmique endiablée, au travers d’une expression polymorphe où s’entrecroisent poésie, roman, opéra et théâtre, ce qui a donné notamment ROMÉO ET JULIETTE (1989), FUTUR, ANCIEN, FUGITIF (1993), et RETOUR DÉFINITIF ET DURABLE DE L’ÊTRE AIMÉ (2002), pièces publiées chez P.O.L. Il collabore également avec des musiciens et chanteurs (Alain Bashung, Rodolphe Burger) dans l’écriture de chansons. Le Festival d’Avignon avait accueilli à l’été 2004 deux de ses pièces, ainsi que sa traduction de YES IS FOR A VERY YOUNG MAN (OUI DIT LE TRÈS JEUNE HOMME) de Gertrude Stein. ESPACE GO avait accueilli à l’automne 2000 sa pièce LE COLONEL DES ZOUAVES, également mise en scène par Ludovic Lagarde.
 
Metteur en scène ayant entraîné Olivier Cadiot vers l’univers théâtral, Ludovic Lagarde est lui-même inspiré avant tout par le rapport au langage et à l’écriture. Après une formation d’acteur, il entreprend des expériences de mise en scène qui le mènent vers Beckett (SOLO, LAST TIME, CETTE FOIS, L’IMPROMPTU DE L’OHIO), Brecht (LE CERCLE DE CRAIE CAUCASIEN), puis à la rencontre de Olivier Cadiot. Il adapte les écrits de ce dernier pour la scène, à partir d’une première commande qu’il lui passe et qui donnera SOEURS ET FRÈRES (1993). Tout le processus de création s’établit pour lui autour d’une démarche d’expérimentation du spectacle à venir, où interviennent tous les membres de l’équipe (lumières, son, costumes, comédiens). Il a réalisé également plusieurs mises en scène d’opéras (Cadmus et Hermionne, Actéon, Les Arts florissants).

Quelques photos