
« La première saison formidable d’Édith Patenaude à la direction artistique d’Espace GO se poursuit avec un autre spectacle qui reconnecte bellement l’institution à ses racines, à sa raison d’être, un théâtre féministe de femmes par des femmes, un théâtre expérimental. Créatures, un voyage enivrant dans un monde parallèle qui, malgré ses airs de fin du monde, est essentiellement rafraîchissant, divertissant et ravit par la sensation d’évasion qu’il provoque.
Anne-Marie Ouellet a réuni onze interprètes aux horizons variés et riches qui nous rivent à nos sièges par leur charisme et leur singularité étonnante. Le résultat est un spectacle fascinant pour tous les sens, un moment de magie, d’onirisme où des filles et des femmes de plusieurs générations s’aiment, se picossent, se taquinent, s’unissent, s’expriment.
Ces réjouissantes Créatures sont un cadeau, un baume que tout le monde devrait s’offrir, un moment privilégié pour éteindre nos appareils électroniques et se laisser porter dans un univers nouveau, différent, pas toujours beau mais profondément ressourçant. »
Yanik Comeau, Théâtralités/Communik Média
« C’est très audacieux, très original, très interdisciplinaire et très déstabilisant. Pourtant je m’attendais à ça. Moi, j’adore le théâtre. J’adore le multidisciplinaire aussi. Il y a beaucoup d’aspects que j’ai vraiment adorés. Le décor est spectaculaire. Il y a de l’eau sur scène. Il y a une espèce de structure chambranlante qui résiste à la tempête et des interactions très fortes entre des personnages extrêmement bien interprétés.
C’est une exploration de comment les humains s’adaptent ou réagissent à des situations catastrophiques qui les menacent. Il y a une réflexion, je trouve, entre l’individuel et le collectif là-dedans aussi. Je me suis demandé si en fait ce n’était pas trop près de la réalité. Une espèce de chaos. Il y a beaucoup de petits bouts rigolos, une espèce de contraste entre le côté tragique de la situation, la dystopie, et en même temps quelque chose de très léger, de très doux, où on sent beaucoup d’amour à travers tout ça.
C’est une pièce qui est extrêmement forte et novatrice. Mais je ne dirais pas que c’est une pièce qui fait du bien. Quand on y va, si on veut quelque chose de léger, ce n’est pas ça. Par contre, pour les amoureux de l’esthétisme et de l’art, il y a tellement de tableaux extraordinaires… »
Laure Waridel, Feu vert, ICI Première
« QUAND L’EAU MONTE, L’IMAGINAIRE DÉBORDE
Que reste-t-il quand tout s’effondre ? Anne-Marie Ouellet orchestre une pièce hybride entre performance et installation sonore sur fond de huis clos aquatique où onze femmes et filles, de 5 à 70 ans, dérivent sur une structure fragile. Entre déséquilibre et reconstruction, le jeu devient un rempart contre la catastrophe. Inspirée par l’univers de Tove Jansson, la metteuse en scène propose une fable poétique, oscillant entre dystopie et enchantement, où la résilience collective ouvre un champ infini de possibles.
Plutôt qu’une micro-société structurée sur ce navire, la pièce donne à voir une constellation d’existences autonomes. Rien n’est orchestré, aucune dynamique ne domine : c’est un espace où chaque individu s’approprie l’instant comme bon lui semble. Cet éclatement des présences et des actions confère à Créatures une dimension contemplative. Il ne s’agit pas de raconter une histoire, mais d’observer un écosystème en perpétuelle réinvention.
Loin des codes traditionnels du théâtre, la pièce ne repose ni sur un texte figé, ni sur une mise en scène stricte. Elle se construit au gré des interactions, des réactions des interprètes et de la matière scénique elle-même, avec comme trame narrative, des repères ou des sujets de discussion.
UNE DYSTOPIE POÉTIQUE ET LUMINEUSE
Si Créatures met en scène un univers post-catastrophe, il ne s’agit pas d’un monde désespéré, mais plutôt d’un espace où l’on apprend à cohabiter différemment. De la même manière, Tove Jansson parsème ses récits d’une douce mélancolie, mais aussi d’une lumière diffuse qui empêche toute noirceur totale. Ainsi, Créatures ne se contente pas de citer l’univers de Jansson : il en prolonge les questionnements et la poésie, offrant un théâtre où l’inconnu se vit non pas comme une menace, mais comme un territoire à apprivoiser.
Un spectacle déroutant et fascinant, qui nous laisse avec cette question en suspens : et si, au lieu de lutter contre l’instabilité, nous apprenions simplement à dériver ? »
Malika Alaoui, atuvu.ca