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Mot d’Alexandra Pierre

Les carnets de corde. raide

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Sur les planches québécoises, trop rares sont les pièces de théâtre racontées du point de vue des femmes noires. Pourtant les femmes noires vivent sur ce territoire depuis au moins le 17e siècle.

 

 

La pièce corde. raide, dont l’action se situe dans un futur dystopique pas si lointain, est importante, car elle est centrée sur le point de vue spécifique du personnage de Trois et évoque avec nuance toute sa complexité et ses contradictions. Femme noire victime d’un crime atroce, empêtrée dans une bureaucratie incongrue, elle est confrontée à des fonctionnaires aussi incompétents que pétris de bonne volonté, et constamment dans la discordance entre leurs bonnes intentions abstraites et dans ce qu’elles créent comme violences dans le réel. Le personnage de Trois est puissant, déterminé qu’il est à avoir le plus de pouvoir possible sur cette situation, au nom de sa vie et de sa famille brisées. Trois refuse de capituler devant toute cette absurdité, tout en étant consumée par le traumatisme vécu.

 

 

Œuvre résolument engagée, sans jamais être didactique ou moralisatrice, corde. raide fait écho aux discussions des dernières années sur le racisme systémique, la justice à l’ère de #MeToo, aux relations entre l’État, la société et les communautés noires. Elle parle aussi de l’aveuglement entretenu par la majorité blanche pour éviter de prendre à bras-le-corps certaines questions criantes.

 

 

La pièce corde. raide contribue ainsi à une réflexion nécessaire sur l’origine et les conséquences des violences sociales. Elle bat également en brèche les stéréotypes persistants sur les femmes noires et leur colère, pour rappeler que la rage est souvent salutaire et émancipatrice dans un monde pétri de « petites » et de grandes injustices. L’autrice debbie tucker green le fait avec un humour grinçant, en comptant sans cesse sur l’intelligence du public.

 

 

Cette première expérience comme dramaturge a été remplie d’apprentissages et de découvertes. Mais j’en retiens surtout le bonheur d’avoir pu côtoyer les inspirantes femmes noires que sont Stephie Mazunya (interprète de Trois), Majiza Philip (chorégraphe), Ange Blédja Kouassi (conceptrice des costumes, coiffures et maquillages) et Bethzaïda Thomas (assistante à la mise en scène et régisseuse). Merci aux autres membres de cette équipe ouverte d’esprit et talentueuse, tout particulièrement Alexia Bürger, metteure en scène à l’écoute, consciente de l’ampleur du travail à faire sur les relations raciales, au théâtre comme ailleurs.

 

 

 

Alexandra Pierre
Dramaturge

 

 

 

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