Billetterie

Mot de Stéphanie Jasmin

Les carnets de la pièce

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Lena est née sous un soleil radieux, mais elle aime la nuit. Ses parents, Bernard et Viviane, lui font miroiter le paysage sans bornes la laissant libre d’exister. Mais Lena ne cesse de fuguer pourtant, testant sans cesse des limites plus profondes, peut-être que ce sont celles des mille dangers du monde dont elle ne se sent pas protégée ou celles d’un manque informe et abyssal comme la nuit, de vérité, d’amour? Un manque dont ses parents, qui disent lui donner tout, n’ont pas conscience, pris dans leurs propres obsessions, occupés à peindre le tableau idéal de leur propre contenance du monde, de leur bonne conscience… Le paysage, extrapolation de ce tableau d’eux-mêmes dressés aux autres, est entretenu par un jardinier, Jérémie, lui-même miroir de toutes les projections des parents et source des récits dont ils sont les héros. Des récits contés aux invités d’un repas mondain qui se répète indéfiniment. Alors Lena fomente avec Jérémie, allié dans la révolte et révélateur de la violence qui couve en elle, un plan obscur comme la nuit.
 
 
LE TRAITEMENT DE LA NUIT serait une pièce de chambre qui se déploie, telle une partition musicale, en plusieurs mouvements, avec la variation de motifs poétiques qui révèlent les états changeants de ces personnages tour à tour imparfaits, risibles, grandioses, cruels, sans pitié, mais, au fond, toujours en quête de quelque chose : d’amour, de sommeil paisible, de beauté et surtout… d’innocence.
 
 
Ce huis clos est posé ici dans un espace interstice entre l’air du dehors et l’intérieur de la maison, un lieu poreux aux éléments où l’on peut ressentir la bascule du jour et de la nuit et se (con)fondre au paysage. Un espace qui devient aussi une petite scène où une théâtralité peut s’exhiber, tout aussi instable que l’état des personnages qui s’y animent, de la géographie de ce monde dont on ne voit pas les bornes, pouvant basculer à tout moment du rire à l’effroi, de l’extase à la dépression, de la conversation banale à la solitude de la fuite, du fantasme à la réalité.
 
 
C’est cette instabilité ontologique de la pièce, s’exprimant par les fines subtilités du langage poétique et ciselé d’Evelyne de la Chenelière, qui donne un espace de liberté au spectateur, à la spectatrice. Dans ce flou du contour des formes vues dans la nuit, dans les réminiscences des rêves où se mirent les fantasmes, à l’instar des tableaux abstraits tant rêvés par Vivianne; l’imaginaire est invité à voyager.
  
 
 
– Stéphanie Jasmin
   Codirectrice d’UBU compagnie de création