On entre dans la grande salle du Théâtre ESPACE GO. Les lumières sont tamisées. Le chant qui nous accueille a quelque chose de sacré et de solennel, mais aussi quelque chose d’envoûtant, de merveilleux, et d’enveloppant. Dès notre arrivée, le rituel auquel nous nous prêtons habituellement au théâtre est changé. Il n’est plus question d’aller s’asseoir dans une salle à l’italienne en attendant le début du spectacle. On nous demande de retirer nos chaussures et on nous offre du thé. Nous sommes ensuite invité·es à prendre place dans le décor, sur des coussins, sur des petits bancs, ou à même le sol entièrement recouvert d’une épaisse couette. Puis, on nous remet un petit bout de papier en nous invitant à y inscrire le nom d’une personne chère à qui l’on souhaite dédier la représentation[1]. Les cinq interprètes récupèrent les bouts de papier et le spectacle commence.
« T’es allongée dans ton lit. Toute seule, silencieuse, à côté de la fenêtre. »
Le ton grave de l’interprète, que l’on devine au chevet d’une personne en fin de vie, exprime un sentiment de désarroi face à la mort. Ce récit du dernier sommeil se transforme ensuite en quelque chose de réconfortant, de plus doux. Après le deuil viennent le choc, les incertitudes, et le doute. Puis, viennent les questionnements, les hypothèses, et le processus de guérison. Finalement, l’acceptation, la paix, et l’émerveillement remplacent le sentiment de départ et agissent comme un baume sur les blessures causées par le deuil. Un deuil agit souvent comme un moment charnière, puisqu’il vient avec des remises en question et un désir urgent de réponses. C’est grâce à lui que des changements s’opèrent et que la société évolue et renaît. La vie et la mort font partie d’un mouvement constant, qui s’observe dans la nature comme dans la société, et qui engendre un renouveau.
TENDRE L’OREILLE
L’orgue, l’instrument de prédilection du spectacle, ajoute à l’ambiance une dimension sacrée. Les chœurs, les bourdons musicaux et les paroles dites ou chantées en canon participent à la mise en scène de la musique. L’harmonie entre les cinq femmes et la force qui se dégage du collectif procure des frissons. La pluralité des voix permet d’atteindre une puissance vocale impressionnante. Les interprètes chantent en plusieurs langues, démontrant le caractère inclusif de Mykalle Bielinski, qui refuse de s’imposer des barrières langagières lorsqu’elle compose.
« I’m knowing that I know nothing, and I’m loving it, I’m laughing about it. »
Notre compréhension du spectacle ne réside pas uniquement dans les paroles des chansons, ni dans la découverte d’une grande vérité, mais davantage dans les émotions provoquées par sa musicalité impressionnante. Par les effets sonores, par l’union des voix et par les paroles chantées, l’accent est mis sur les sensations que procure la musique sous toutes ses formes. L’objectif n’est pas de tout comprendre, mais bien de ressentir l’émerveillement par l’émotion inexplicable qui nous envahit et qui est causée par quelque chose qui transcende la raison et les mots.
ENSEMBLE
Dans la polyphonie de MYTHE s’intègre le public, qui mêle sa voix à celles des interprètes. En écrivant un nom sur un petit bout de papier au tout début du spectacle, nous nous sentons davantage partie prenante de l’expérience. Les bouts de papier sont ensuite manipulés à plusieurs reprises par les interprètes, ils sont exposés sur un des murs du théâtre avant de nous être restitués. Lorsque nous récupérons le papier, ce n’est plus le même, c’est celui d’une autre personne. Par ce geste d’intimité partagée, nous réalisons que nous sommes toutes et tous lié·es par l’expérience vécue ensemble. Ce sentiment de proximité est aussi favorisé par le fait que les interprètes se déplacent et performent parmi le public. Lorsqu’elles chantent, leurs voix, qui proviennent de partout, nous donnent le sentiment de faire nous-mêmes partie du spectacle, d’être au cœur de celui-ci.
« Nothing is better than this moment together. »
On nous invite à nous laisser porter par l’aspect enchanteur du spectacle. C’est une expérience unique, qui nous plonge dans un état à la fois contemplatif et introspectif. Guidé·es par les interprètes, nous naviguons dans les méandres des différents mythes présentés.
Le spectacle MYTHE pose beaucoup de questions et offre une multitude de réponses et de sensations aussi réconfortantes qu’émouvantes. Le spectacle montre toute la force qui se dégage du collectif, de la communication et de la création, trois éléments importants, autant dans le geste créatif de Mykalle Bielinski que dans la recherche de réponses à des questions que nous nous posons toutes et tous.
[1] La participation se fait sur une base volontaire.
Dossier réalisé par Camille Saint-Germain, mars 2022.