Benoit Landry le metteur en scène de LES EAUX CLAIRES avec Chloé Lacasse commente la création du spectacle hybride présenté au Théâtre ESPACE GO dès le 12 octobre:
J’ai grandi près de chez Chloé sans la croiser. Nous sortions à peine de l’adolescence lorsque nous sommes devenus amis indissociables. J’ai bien connu ses parents, je les ai aimés. Avec le temps, plusieurs de ses souvenirs d’enfance en sont venus à peupler mon imaginaire, même s’ils ne m’appartenaient pas. Je connaissais ces histoires, je savais l’heure du jour, la saison et le temps qu’il faisait. Je ne saurai jamais jusqu’à quel point mon esprit a déformé ces instants que je n’ai pas vécus.
Chloé et moi avons multiplié les collaborations artistiques, mais souhaitions depuis longtemps inventer quelque chose à deux à partir du tout début, imaginer un projet à la fois scénique et musical, dont les facettes s’influenceraient l’une et l’autre. Nous en étions à rêver à ce projet lorsque le destin a voulu que Chloé retourne vivre dans la maison où elle avait grandi. Nous nous donnions alors rendez-vous quelques fois par mois pour discuter de ce qui nous habitait, de ce qu’il nous paraissait nécessaire d’exprimer dans une œuvre à naître. L’auteur Mathieu Gosselin se joignait à nous lors de ces rencontres ; son bel esprit nous faisait emprunter des chemins inattendus. (Je le salue affectueusement. Il y a de lui dans ce spectacle, caché ici et là, à la racine des choses.)
Chloé nous décrivait la sensation d’être de retour chez soi. Elle nous racontait les souvenirs qui surgissaient en elle, alors qu’elle redécouvrait des parfums de l’enfance qu’elle connaissait par cœur. J’y reconnaissais sa bienveillance et sa sincérité. Elle partageait avec nous ces bribes de la vie d’avant qu’elle avait écrites ; nous constations avec ravissement qu’un matériau fécond était en train de voir le jour, une dentelle de détails du quotidien tissée avec tant de soin qu’elle semblait nous donner accès à quelque chose qui ressemblait à la vraie vie, à celle d’une autre personne… et pas mal à la nôtre aussi.
Puis un jour, Chloé m’a fait découvrir le travail photographique et cinématographique de Sarah Seené, dont la sensibilité, la justesse et la grande intuition m’auront touché à chaque étape de ce projet, que nous avons finalement développé à trois. Sarah parvient à attirer notre attention sur les détails les plus ordinaires, pour en révéler la poésie et la beauté. Elle leur donne une importance, un caractère sacré.
Me plonger dans leur univers a été un privilège et un bonheur de chaque instant.
Je remercie de tout cœur l’équipe de concepteurs et de musiciens, cette petite famille qui donne des ailes. J’ai voulu créer sur scène un cadre où les mots et la musique de Chloé et les images de Sarah s’exprimeraient librement, une série d’instantanés de vie aux bordures floues, qui se recomposeraient dans le désordre comme le font les souvenirs.
-Benoit Landry
Metteur en scène LES EAUX CLAIRES