Électre
Supplémentaires les 9 et 16 février
22 janvier au 17 février
2019
« Ceux qui méprisent ma colère je les méprise à mon tour. Ceux qui réclament ma pudeur apprendront que je ne m’arrêterai pas. »
– Électre
Depuis le meurtre de son père, Électre nourrit une impitoyable haine envers les assassins : sa mère et l’amant de celle-ci. Inconsolable, Électre se soulève, libère sa colère, prépare sa vengeance. Œil pour œil, dent pour dent, la loi du talion dans le déchaînement d’actes sanglants. La vengeance d’Électre est-elle courage ou folie?
Au cœur de cette histoire écrite vers 414 av. J.-C. se trouve une contradiction tragique que Sophocle soumettait à la réflexion de ses contemporains : tuer la mère pour venger le père, alors que ce choix ne paraît humainement acceptable. Pourtant, seul l’acte de vengeance semble pouvoir libérer Électre de ses tourments.
Pour redonner au texte de Sophocle son souffle d’origine, Evelyne de la Chenelière a procédé à un travail de réécriture, en abordant la pièce comme un corps sur lequel s’est déposée la poussière de décennies de violence, comme des cendres signifiantes qui font sentir le chemin sanglant de l’Histoire dans la triste pérennité de la violence. Électre, telle une nation trop longtemps humiliée, prend inévitablement le chemin de la violence, jusqu’à devenir plus terrifiante que ses bourreaux. Le personnage d’Électre nous rappelle que, encore aujourd’hui, la colère manifeste des femmes, contrairement à celle des hommes, dérange par son impudeur.
Magalie Lépine-Blondeau rêvait depuis longtemps de donner vie à cette héroïne de la mythologie grecque, figure de la résistance à toutes les formes d’oppression. Pour mettre en scène sa révolte et sa colère, elle a convié son complice Serge Denoncourt, reconnu pour sa manière si personnelle de bousculer les grands classiques et le théâtre de répertoire (PROJET ANDROMAQUE, UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR, CYRANO DE BERGERAC, LES LIAISONS DANGEREUSES).
Sophocle (495-406 av. J.-C.) est considéré comme l’un des plus grands poètes tragiques de la Grèce antique. Il est l’auteur de 123 pièces, dont une centaine de tragédies. De son immense production littéraire, sept tragédies complètes nous sont parvenues, soit LES TRACHINIENNES, ANTIGONE, AJAX, ŒDIPE ROI, PHILOCTÈTE, ŒDIPE À COLONE et ÉLECTRE, qui fut la tragédie la plus encensée à l’époque hellénistique. Sophocle et ses contemporains ont fait évoluer la tragédie en faisant écho à l’émergence de la démocratie en Grèce. C’est l’inconfort et le vertige de toute une société qui prend en charge de résoudre ses problèmes sans avoir systématiquement recours aux dieux et à leur justice. Aujourd’hui, alors que nos démocraties sont en péril, nous nageons dans la même tension que les Grecs à l’époque : tension entre l’impuissance et le pouvoir. Avec ÉLECTRE, nous sommes au cœur de ce passage, complexe et passionnant, passage que Sophocle a su à la fois cerner et nourrir avec tant de génie.