Billetterie

Jean Racine (1639-1699)

Davantage qu’un auteur de théâtre, il est, dit-on, un poète du théâtre. Orphelin, il est élevé par les religieuses du monastère de Port-Royal. Il reçoit l’enseignement d’Antoine Lemaistre aux Granges de Port-Royal et poursuit de sérieuses études de grec et de philosophie. C’est en 1664, à 28 ans, qu’il présente à Paris sa première pièce, LA THÉBAÏDE, qui sera suivie, un an plus tard, d’ALEXANDRE. Ces deux pièces inaugurent une période de dix ans, la plus féconde de sa carrière. S’enchaînent ANDROMAQUE en 1667, LES PLAIDEURS en 1668, BRITANNICUS en 1669, BÉRÉNICE en 1670, BAJAZET en 1672, MITHRIDATE en 1673, IPHIGÉNIE en 1674 et PHÈDRE en 1677. Cette dernière pièce, pourtant l’une des plus célèbres et des plus jouées à ce jour, fut un échec à sa création, ce qui poussa Racine à renoncer pour longtemps au théâtre.
 
Vainqueur, dès le triomphe d’ANDROMAQUE en 1667, de son rival, le vieux Corneille dont il est le cadet de 33 ans, Racine est assuré de la faveur du jeune roi Louis XIV et de la cour. En 1670, les deux auteurs se rencontrent dans un duel littéraire qui a pour enjeu le même personnage de l’histoire : Racine présente BÉRÉNICE, et Corneille, TITE ET BÉRÉNICE. Mais les dernières œuvres de Corneille, AGÉSILAS en 1666 et ATTILA en 1667, avaient connu l’échec. De la compétition qui l’oppose à son jeune rival, il sort défi­nitivement vaincu.
 
Homme de cour, Racine a des liaisons célèbres, entre autres avec les comédiennes Thérèse Du Parc et Champmeslé. La passion jalouse qui le consume est à l’image de celle des héros que son génie a mis à la mode. Ombrageux, tourmenté, irritable, il pourfend de traits cruels ceux qu’il croit ses ennemis, y compris ses anciens maîtres de Port-Royal, à qui pourtant il doit beaucoup. À juste titre, on peut parler des deux visages de Jean Racine. Devenu historiographe du roi, résolu à ne plus écrire pour le théâtre, il épouse en 1677 la petite-fille d’un notaire parisien, Catherine de Romanet, se réconcilie avec ses maîtres de Port-Royal et s’engage dans une existence bourgeoise vouée à l’éducation de ses nombreux enfants et à la piété la plus austère. C’est à la demande de madame de Maintenon, pour les jeunes filles de Saint-Cyr, qu’il écrit ses deux dernières pièces : ESTHER, en 1689, et ATHALIE en 1691, toutes deux d’inspiration purement religieuse. L’interdiction obtenue par le parti dévot de représenter Athalie le détermine à renoncer définitivement au théâtre. Il compose encore les admirables Cantiques spirituels en 1694, ainsi qu’un Abrégé de l’histoire de Port-Royal qui ne sera publié en entier qu’en 1767. Sa fidélité envers ses premiers maîtres lui vaudra une demi-disgrâce qui ne précédera que de peu sa mort, le 21 avril 1699.
 
S’inscrivant contre la galanterie et le romanesque, préférant aux intrigues complexes de Corneille une évolution dramatique menée uniquement par la logique de ses personnages, remplaçant par la piété et l’horreur engendrées par son destin misérable l’admiration du héros vainqueur des dieux et de lui-même, Racine a redonné à la tragédie sa véritable dimen­sion, celle que les Grecs lui avaient conférée. En concevant la passion amoureuse comme une fatalité génératrice de haine et de destruction, en la présentant comme l’instinct le plus possessif et le plus égoïste de l’âme humaine, sans jamais que ses victimes pleurent leur innocence perdue, Racine apparaît comme le véritable créateur de la tragédie française.
 
 
Hélène Pedneault