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Autobiographie du rouge : mot de la directrice

Autobiographie du rouge

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Le choc amoureux et celui artistique sont, pour moi, jumeaux.

 

Quelqu’un nous frappe au cœur et sans trop savoir comment et pourquoi, voilà que ce n’est plus tout à fait soi qui décide. Une chose splendide et inquiétante – un monstre ? – prend, dans le corps, un espace qu’on ne savait même pas avoir.

 

Lorsqu’une œuvre me happe, elle me possède aussi. Nous nous appartenons maintenant l’une l’autre. Elle est activée par mon regard et, en échange, elle me construit, se dépose en moi, semblable aux sédiments qui fabriquent une pierre. L’amour et l’art, les vrais, ne me traversent pas, ils restent. Si on me coupait comme un arbre, je suis persuadée qu’on découvrirait en moi des cercles concentriques, qui seraient moins la preuve du passage du temps que la marque indélébile de mes chocs amoureux et artistiques.

 

Anne Carson, avec Autobiographie du rouge, ne m’a pas seulement séduite, mais atteinte au cœur. Dès que j’ai eu terminé ma lecture, je voulais relire. Je voulais être à nouveau l’élève de l’autrice, qui disséquait devant mes yeux ébahis l’amour lui-même. Ces deux sœurs d’impact, l’amour et l’art, se tenaient enlacés comme jamais.

 

L’idée de Gabriel de donner corps à ces mots m’a donc été irrésistible. Je le remercie d’avoir rassemblé autour de cette immense œuvre une tout aussi remarquable équipe, capable d’une recherche profonde, avide d’inconnu et de trouble, disposée aux révélations. Je reste admirative devant cette brillante équipée, partie à l’aventure à dos de monstres et de demi-dieux, dans l’espoir fou de créer un objet émouvant comme Géryon et exigeant comme Anne Carson.

 

Leur quête est d’une grande beauté. Celle d’offrir une pièce de théâtre amoureuse d’une œuvre littéraire, et qui laisse en nous une trace que nous pourrons emporter, laisser nous modeler, bien au-delà du moment passé ensemble.

 

 

Édith Patenaude
Directrice artistique et codirectrice générale