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Autobiographie du rouge : mot du metteur en scène

Autobiographie du rouge

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Dans mon travail de mise en scène, je suis fasciné par ce qui préexiste. Ce qui préexiste à la scène, avant les acteurs, avant la fiction, avant tout ce qui entoure le spectacle et le théâtre en lui-même. Qu’est-ce qui est déjà là, qui flotte dans les airs et qui attend qu’on le trouve. Il y a forcément la langue, et plus précisément le son des mots. Les vibrations du langage flottent. Il y a autre chose aussi. La mythologie. On passe toujours par la mythologie quand on travaille du théâtre, souvent sans qu’on l’ait même demandé. Les mythes eux aussi existent comme un nuage au-dessus de la scène et des spectateurs. En répétition, il faut savoir attraper les mythes, les épouser, raconter à travers et par eux. Dans mon travail, je m’intéresse moins à nommer le monde, le rendre plus limpide ou le mettre en action en l’appelant à changer, je m’intéresse à ce qui nous parvient d’ailleurs, comme ce Géryon rouge qui appartient à quelque chose d’autre que la civilisation. C’est à cause de ces choses qui flottent autour du théâtre que ma pratique m’a poussée à vouloir porter le texte de Autobiographie du rouge à la scène.

 

 

Les noms nomment le monde, les verbes activent les noms, les adjectifs viennent d’ailleurs [ …] Les adjectifs ont l’air d’ajouts assez inoffensifs mais regardez de plus près. Ces petits mécanismes importés ont pour fonction d’attacher toute chose du monde à sa place. Ils sont les verrous de l’être. (Carson, 2020, p15)

 

 

Cela fait des années que j’ai Autobiographie du rouge chez moi, je l’ai lu et relu à différents moments sans objectif précis, sauf celui de retourner dans ce livre comme on retourne dans une ville qui nous a marqué. Mon envie de mettre ce livre en scène est donc récente et ancienne à la fois. Ma pratique de mise en scène m’a lentement fait revenir à cette ville – Rouge – pour travailler l’origine du son des mots, l’origine des adjectifs et au final l’origine de l’être. Comment qualifier l’être, le véritable, avec ses émotions profondes et insurmontables que la civilisation garde en respect entre ses rênes. Pourtant, la civilisation ne peut pas grand-chose contre la blessure vive, nécessaire, retentissante de notre premier échec amoureux, cette blessure reste-là, ouverte comme un monstre, pour attirer l’attention sur le prodige de nos émotions, c’est-à-dire leurs possibles surnaturels, à la fois créateurs et destructeurs.

 

 

Dans le cas du théâtre, c’est aussi se poser la question du personnage, comment le fixer dans l’espace si réel qu’est la scène. Il faut passer par la mythologie pour découvrir des personnages forts et vulnérables, vains et profonds, complexes et purs… Il y a dans les personnages de Autobiographie du rouge des aspérités et des fissures dans lesquelles le public se plonge parce qu’elles existent en lui, elles sont plus anciennes que lui. J’espère que ces émotions pures et profondes pourront parvenir vers vous avec toute la force qu’elles impliquent, sans le filtre de la civilisation.

 

 

En terminant, un mot pour remercier quelques personnes sans qui cette tentative ne serait pas possible. Merci Édith, Mayi et toute l’équipe de GO. Vous avez sauvé le spectacle à plusieurs niveaux, je retiens surtout de cette production, votre cœur et votre amour profond pour notre art. Cet amour flotte un peu partout dans votre maison, c’est très important. Merci ma maison à moi, Création dans la Chambre, Émilie, Félix, Odile et Julie, raconter ensemble des spectacles, dans un langage commun, est mon refuge. Un refuge à la fois confortable et exigeant, nécessaire pour résister à l’époque.

 

 

Gabriel Charlebois Plante
Metteur en scène