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Pourquoi nous persécutent-ils?

Les carnets de NIGAMON/TUNAI

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Écrit par Waira Nina pour le journal El Tiempo en mai 2019
Traduit de l’espagnol par Onishka – accéder à l’article en espagnol

 

 

 

Dans ce parcours de leadership, et aussi loin que je me souvienne, j’ai vécu la guerre.

 

 

Je suis née à Yurayaco, municipalité de San José del Fragua, département de Caquetá, terre de mon grand-père, Apolinar l’Indien ; fille de Roberto Ignacio Jacanamijoy et de Natividad Mutumbajoy. Depuis mon enfance, ils m’ont transmis le service et l’amour de diriger les processus communautaires avec les conseils de la médecine traditionnelle. Sur ce chemin de leadership, et aussi loin que je me souvienne, j’ai dû vivre la guerre et la persécution, dans le silence, le désespoir, la peur, l’indignation, la lâcheté, la rage et la haine.

 

 

Cependant, lorsque j’ai appris que la paix avait été signée à La Havane, j’ai senti le retour de la chanson dans mon esprit et j’ai vu les enfants de Yachaikury courir vers la rivière, vers la chagra, et les familles avec un sourire de bonheur. Grand-mère disait : « Maintenant, nous pouvons allumer la Tulpa la nuit, nous pouvons aller pêcher du poisson et ramener des animaux de la montagne pour notre nourriture ». Mais aujourd’hui encore, elle me demande : « Pourquoi nous persécutent-ils, nous les indigènes ? Waira, nous devons demander au président Duque de ne pas les envoyer nous persécuter et nous priver de nos richesses. »

 

 

Notre richesse, ce sont nos territoires ; nous y avons tout, mais par la force, ils veulent construire des routes, chercher du pétrole, introduire l’élevage, prendre notre bois, alors que nous ne faisons de mal à personne ; nous ne faisons que prendre soin, conserver et aimer ce dont nous avons hérité comme un don de la Terre. En retour, nous recevons des menaces, des suicides, des persécutions et des dépossessions, alors que nous n’avons fait que prendre soin, aimer et respecter les trois mondes en tant que peuple culturellement attaché à l’ALPA AWAMA.

 

 

Bien sûr, grand-mère, ceux d’entre nous qui vivent ici sur le territoire pensent le contraire de ceux qui gouvernent notre pays. Et penser à l’envers, pour moi, c’est faire ce que nous avons toujours fait, ce que tous les grands-pères et les grands-mères nous ont appris, c’est-à-dire protéger la vie et l’existence des trois mondes : le monde de l’invisible, où vivent nos esprits d’en haut, l’eau, l’air, les étoiles, le soleil, la lune. L’ALPA CHAUPIPI, le monde du visible-invisible où nous vivons tous, femmes et hommes, l’eau, les esprits, les montagnes, les animaux, les oiseaux, les plantes, la force spirituelle ; et l’ALPA UKUMA-UKUTA, le lieu où, sous la terre, se trouvent les minéraux, l’eau, les racines de l’utérus de l’ALPA CHAUPIPI.

 

 

Nous nous préoccupons de notre avenir et de l’existence de nos dirigeants sociaux, de nos enseignants et des générations futures. Ce mandat et cet engagement de nos ancêtres, nous l’avons développé et parcouru avec les connaissances axées sur notre plan stratégique de vie, avec l’éducation, en apprenant chaque jour la santé et la médecine traditionnelle Yachaikury, en appliquant nos codes d’éthique en tant que médecins, docteurs et apprentis sur les routes de la jungle ; en socialisant nos valeurs culturelles et en articulant des processus d’amour. Et aussi par l’agriculture ancestrale, en faisant germer les graines qui garantissent la survie de nos ancêtres.

 

 

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