« Qu’ils racontent la fin ou le début, les récits de par le monde diffèrent dans leur façon d’expliquer des choses auxquelles l’humain ne pourra peut-être jamais répondre. Avec Mythe, Mykalle Bielinski impose ces questionnements, ces vérités absolues et infondées à la fois, dans une mise en scène audacieuse et une utilisation absolument magistrale de la voix humaine.
Laurence Dauphinais, Elizabeth Lima, Florence Blain Mbaye, Émilie Monnet et Mykalle Bielinski. À elles cinq, elles porteront le poids d’un texte loin d’être facile à interpréter vu son niveau d’abstraction. Mythe, ce n’est pas vraiment une trame narrative, mais plutôt une expérience à vivre, un chant par lequel le spectateur est traversé et où il peut s’attarder aux mots qui éveillent sa propre sensibilité.
La disposition de la salle est inhabituelle. On y est assis sur des bûches, au milieu de la salle, sur une panoplie de couvertures blanches. Du thé est servi, tout le monde retire ses bottes, va s’installer dans cet immense lit. Une odeur de spa forestier embaume la pièce et plonge déjà l’ensemble du public dans un état de calme.
À l’entrée, il est demandé d’écrire un petit mot sur un papillon adhésif. Plus précisément un mot qui est lié à la phrase « À la mémoire de… ». Plus tard, ces petits mots seront utilisés d’une façon bien symbolique par les interprètes. Il ne faudrait pas divulgâcher.
Mykalle Bielinski est au départ installée derrière son clavier, d’où elle entonnera un hymne aux sonorités mystiques, le tout accompagné d’un son d’orgue. Et puis l’ensemble commence à chanter. Décrire l’énergie dans la salle à ce moment est une tâche ardue. C’était tellement spécial, tellement transcendant, tellement beau, qu’une vague impression d’être témoin de quelque chose d’interdit, de secret traversait le public. La plupart des chansons étaient de simples harmonies, des sons, peu de mots, beaucoup d’écoute et une puissance indéniable.
L’utilisation des micros et des haut-parleurs fait aussi partie intégrante du spectacle. La façon dont le son était renvoyé dans la salle était extrêmement bien pensée et donnait au spectateur l’impression d’être complètement enveloppé par les voix. La pièce devenait par moment méditative, et pas dans le sens endormant du terme, mais plutôt dans un sens hypnotisant.
Il était également très satisfaisant de constater que le spectacle formait un tout et que les passages musicaux ne détonaient pas ou n’éclipsaient pas le reste de la performance.
La beauté de ce spectacle réside aussi dans le fait que, peu importe la spiritualité ou les croyances de chacun, il était possible pour tous d’y retrouver un peu de soi. Dans cette partie spécifique qui traite de commencement, les interprètes partageaient, toujours de façon théâtrale, diverses histoires de créations du monde émanant de différentes cultures et différentes époques. Le spectateur n’avait plus qu’à attraper ce qui lui convenait et méditer un peu sur le sujet.
Mythe est une expérience à vivre, que ce soit pour l’ambiance mystique, le fait de pouvoir s’asseoir par terre au théâtre ou le travail magistral des interprètes, tant au niveau musical que théâtral. Votre petit papillon adhésif du début vous marquera plus que vous le pensez, promis. »
Luca Max, sorstu.ca
« L’Espace Go accueille jusqu’au 14 mai l’hypnotisant spectacle Mythe, de l’artiste et musicienne Mykalle Bielinski. Cinq interprètes mêlent leurs voix – en parole et en chant – dans une polyphonie aux pouvoirs guérissants. Assis par terre ou sur des chaises qui encerclent la scène, le public est convié à entrer dans un espace hors du temps pour se laisser bercer par les récits cosmogoniques, les poèmes et les incantations chantées. Un spectacle bilingue qui invite au recueillement et dont on sort apaisés par tant de beauté. »
Stéphanie Morin, La Presse
« Présentée dans sa version définitive, la pièce Mythe de Mykalle Bielinski est un délice pour le cœur et l’âme. L’autrice-compositrice-metteuse en scène réunit quatre autres interprètes afin de célébrer l’esprit élevé à un niveau supérieur.
Work in progress offert en 2018 dans le cadre du OFFTA, Mythe possédait déjà une puissance d’évocation et de transcendance. La pièce est aujourd’hui un fruit mûr et savoureux.
Spectacle musical et poétique, Mythe ne cherche pas à en devenir un. Avec intelligence et à propos, Mykalle Bielinski a écrit un texte et composé une musique fortement inpirés par ses lectures et ses goûts musicaux. Et ceux-ci couvrent un éventail très large d’Arvo Pärt à PJ Harvey en passant des chants traditionnels de diverses origines, le hip hop et le gospel, notamment. De même, sa poésie qui affiche à la fois candeur et profondeur, prend sa source dans les écrits de Mircea Eliade, Joseph Campbell, Claude Gauvreau, aussi bien que dans le Bardo Thödol traduit en français par le Le Livre tibétain des morts.
Depuis le chaos, la pièce suit le fil du temps pour en arriver à nos malaises contemporains. Elle tisse des liens entre différentes croyances qui renvoient toutes, dans le fond, à l’impermanence. Au-delà du mur que peut signifier la mort, le récit, supporté par une musique presque continuelle incluant le chœur suave des cinq interprètes, cherche à élever l’âme en transcendant la souffrance.
Tout est réalisé dans le but de favoriser l’introspection : l’invitation, au départ, à dédier l’expérience à nos êtres chers disparus, l’utilisation d’aromathérapie, le thé chaï servi par les comédiennes-chanteuses dans une salle où les spectateurs peuvent s’asseoir sur des chaises ou au sol en s’appuyant sur des billots de bois.
C’est un spectacle où l’on a avantage à tout relâcher et fermer les yeux pour se laisser porter par le texte scandé et les voix merveilleuses de Florence Blain Mbaye, Laurence Dauphinais, Élizabeth Lima, Émilie Monnet et Mykalle Bielinski. Que l’on soit croyant ou non, cette prestation sensorielle et physique nous amène à un détachement qui nous apaise à un moment de l’histoire de l’humanité où tous les désespoirs sont permis.
Mythe invite à la méditation ou à la prière, évoque notre part divine en dehors du religieux, touche l’esprit et le cœur sans être racoleur. Dotée d’un souffle puissant, l’œuvre de Mykalle Bielinski prouve que l’acte de créer demeure une besoin essentiel, un geste réconfortant, une réponse pertinente et sans équivoque à la misère humaine. »
Mario Cloutier, En toutes lettres
« À la rencontre du sacré et des mythologies qui accompagnent les voyages intérieurs, Mythe, second volet de la partition vocale, corporelle et poétique de l’artiste multidisciplinaire Mykalle Bielinski, est une expérience collective partagée par le public à l’Espace Go. Cinq chanteuses et comédiennes, dont Bielinski et Émilie Monnet, sur une dramaturgie de Sophie Devirieux, offrent à la méditation des polyphonies parfois admirables et des rituels mystérieux venus du fond des âges, réinventés pour créer une sorte d’envoûtement où les cycles naturels se perpétuent devant nos yeux. »
Odile Tremblay, Le Devoir
« Créé au mois Multi et à Espace libre en 2019, MYTHE est la seconde partie d’un triptyque qui creuse les thèmes de la mort, du temps et de la transmission. À la fois récital, concert et performance, cette œuvre envoutante explore le sens de la vie et l’acceptation de la mort.
Un objet de beauté
Mikalle Bielinski s’est énormément documentée pour écrire MYTHE. Elle a confié avoir lu beaucoup de textes anciens sur la spiritualité, sur le bouddhisme, sur les grandes religions monothéistes, et sur ce que plusieurs religions et plusieurs mythes ont en commun. C’est tout cela qu’elle a mis en scène dans sa création. C’est donc par moment un peu difficile de s’y retrouver pour un non-initié. Cependant, l’atmosphère et les chants valent à eux seuls le déplacement.
Les voix des cinq interprètes se mélangent parfaitement et les harmonies vocales sont magnifiques et poignantes. »
Nancie Boulay, bpartsmeddia.ca
« À l’entrée de la salle, on nous demande de laisser chaussures et manteau au vestiaire. Avant de rejoindre nos sièges, nous sommes invités à inscrire le nom d’une personne décédée sur un bout de papier, puis on nous offre une tasse de thé. Par ces gestes simples, la création prend d’entrée de jeu une dimension intimiste.
Nous nous installons alors à même le sol ou sur une des chaises qui ceignent l’espace de représentation. Par l’abolition de la représentation et de la distance entre le spectateur et l’acteur, une relation d’horizontalité se tisse entre les gens présents dans la salle, instillant en nous un sentiment de partage, voire de communion. Les interprètes, qui se promènent parmi le public (on se laisse particulièrement atteindre par la présence magnétique d’Émilie Monnet), nous transportent dans les mythologies anciennes et récentes, qui nous sont tantôt chantées, tantôt racontées. Le rythme est juste assez lent pour permettre aux paroles de se déposer en nous et laisser éclore le germe d’une question.
Mythe s’inscrit ainsi dans le courant postdramatique, c’est-à-dire que la pièce ne contient pas à proprement parler de dimension narrative, mais tend plutôt à s’extraire de la représentation. La ligne directrice prend forme dans la trame sonore, qui joue sur les motifs, les répétitions, les échos, les incantations. Les chants, appuyés par les sonorités d’orgue jouées par Mykalle Bielinski au clavier, ponctuent la pièce et lui donnent une profondeur mystique.
Si le théâtre est un art qui sollicite fortement le corps du spectateur, l’intimité de la scénographie et de la mise en scène l’interpellent ici d’une manière douce, bienveillante, sans le transformer en proie ni miser sur sa position de vulnérabilité. Le public demeure d’un bout à l’autre bercé et contenu dans son rôle d’observateur. Cette position d’abandon, de confiance, voire de détente est cruciale pour la réussite du spectacle ; c’est la condition pour aménager un espace en soi où accueillir cette réflexion sur la mort, accepter qu’un sillon se creuse en nous au fil de la création et nous projette dans l’expérience d’un « plus grand que soi ».
Si la pièce est très réussie, deux aspects m’ont laissée songeuse. D’une part, je me suis questionnée sur sa dimension bilingue, français-anglais. Si on peut saluer la volonté d’inclusion, le tout semble un peu plaqué et a pour effet de ralentir le rythme de la proposition.
D’autre part, je me suis également interrogée sur l’usage des micros (qui est une pratique, hélas, de plus en plus répandue sur les scènes montréalaises).
Malgré ces deux écueils, le spectacle réussit à nous émouvoir. Faut-il avoir vécu un deuil pour être touché ? Peut-être. Mais s’il y a bien une seule épreuve qui nous rassemble en tant qu’êtres humains, c’est d’être confrontés un jour ou l’autre à la perte d’un être cher. Mythe joue ainsi sur l’universalité du deuil.
À la fin de la pièce, on m’a invitée à piger un bout de papier dans une boîte. « Manon ». Il me semble que, pendant un instant, elle est apparue, sur ce bout de papier, qu’elle nous a rendu visite, le souffle en moins. Présence-absence. Toute la construction d’intimité nous a sans doute préparés à nous rendre disponibles pour ce moment ultime. Comment un simple nom sur un bout de papier a-t-il pu faire naître ce sentiment incommensurable en moi ? La perte s’était imprimée sur ce bout de papier; pendant ce temps, quelqu’un d’autre dans la salle portait entre ses mains le nom de mon père. Nous avons respiré, ensemble. »
Sarah-Louise Pelletier-Morin, Spirale
« C’est mystique. On retrouve vraiment les codes de la spiritualité, des différentes religions, c’est-à-dire la polyphonie féminine. Il y a même un alléluia qui est chanté à un certain moment donné. On a l’orgue. Je dirais que c’est davantage proche de la performance que de la pièce de théâtre et c’est une exploration des mythes et de ce qui nous fait, nous, en tant qu’être de mystère si vous voulez. On part d’une perte, d’un deuil pour explorer le cycle de la fin et du renouveau. En plein printemps, c’est approprié.
La mise en scène est particulière. On n’était pas un public devant un spectacle. On était à l’ESPACE GO transformé avec des bûches sur le plancher. Donc, les interprètes, il y en a cinq, vont surtout chanter en harmonie et c’est vraiment de toute beauté, mais elles se promènent…
Je vous donne le nom des interprètes : Mykalle Bielinski, Florence Blain Mbaye, Laurence Dauphinais, Elizabeth Lima, Émilie Monnet. Ce sont des femmes qui sont elles-mêmes créatrices, qui font elles-mêmes leurs propres spectacles de théâtre, du cinéma, elles sont musiciennes et elles chantent divinement bien. D’ailleurs, j’ai un extrait d’un chant bulgare et vous allez comprendre ce que je veux dire. J’avais des frissons du début à la fin.
Pour les amoureux du son, la musicalité de la langue est là, il y a une attention exceptionnelle du son à 360 degrés. On est vraiment dans une expérience…
Il n’y a pas de scène. On est sur le plancher et les interprètes circulent autour de nous et le son vient d’un peu partout. Il faut se tourner pour suivre ce qu’il se passe. Vraiment, pour ceux qui ont des univers qui passent beaucoup par les oreilles, c’est un spectacle qui va vous enchanter. »
Evelyne Charuest, Dessine-moi un dimanche, ICI Première
« Mythe, c’est une expérience qu’on peut avoir envie de vivre, qui est intéressante. C’est un spectacle très très très ambitieux qui a été conçu par Mykalle Bielinski. Elle a voulu s’attaquer à des mythes. Elle parle de la mort, elle parle du souffle, elle parle de la genèse de la musique, de la voix et elle écrit des musiques et des arrangements pour ces cinq femmes-là. C’est extraordinairement beau. On aurait envie que ça reste un récital comme ça parce que ça se perd un peu avec cette poésie. À un moment donné, il y a tellement de mots, de souffles, d’effets qu’on a un peu de difficulté à être touché, à embarquer. On a l’impression qu’on est un peu exclus de ce qui se passe dans ce carré-là où elles se promènent avec des micros, mais il y a des moments de pure grâce.
Ce n’est pas inintéressant, au contraire, il y a plein de belles choses, mais il y a un manque d’unité que j’ai de la difficulté à nommer. »
Johanne Despins, Culture Club, ICI Première