Billetterie

Le contexte historique

Projet Andromaque

Retour à la pièce

LA MONARCHIE ABSOLUE DE DROIT DIVIN
 

Le «règne personnel » de Louis XIV

 
En 1667, la France est un royaume dirigé sans réelle contestation par le roi Louis XIV (1638-1715). Sacré à Reims en 1654, le jeune monarque a annoncé dès le 10 mars 1661 qu’il gouvernerait « en personne ». Depuis l’arrivée au pouvoir de Colbert en 1661 et l’arrestation de Fouquet le 5 septembre 1661, Louis XIV règne sans partage. Le roi n’a pas oublié la Fronde et il s’entoure de bourgeois, commerçants ou juristes, à qui il confie la tâche d’administrer le royaume. Colbert, recommandé par Mazarin, devient ainsi secrétaire d’État à la Marine et à la Maison du roi, Le Tellier (1603-1685) est nommé à la Guerre et son fils aîné, Louvois (1639-1691), à la suite de son père. Cette noblesse « de robe », qui a obtenu son titre sans l’hériter par la naissance et ne peut le transmettre à ses descendants, appuie le roi dans sa politique. Louis XIV, soutenu par sa mère, qui meurt en 1666, lutte alors contre les excès des grands seigneurs, et il organise un tribunal d’exception en 1665-1666 pour les juger. Douze mille plaintes sont alors déposées, mille trois cent soixante nobles sont jugés et vingt-trois seront condamnés à mort.
 
Pour assurer la prospérité économique, Louis XIV crée la Compagnie des Indes en mai 1664 et, désireux de faire valoir ses droits sur les Pays-Bas et la Franche-Comté, se lance dans la guerre de Dévolution en 1667. Cette même année, date de la création d’ANDROMAQUE, il met en place la lieutenance générale de police, établit le Code Louis. Depuis 1665, Colbert fait en outre construire une flotte de guerre en prévision d’un conflit contre l’Espagne .
 
 
 
PYRRHUS : UN CONTRE-MODÈLE MONARCHIQUE
 

Pyrrhus, un tyran capricieux

Le spectateur d’ANDROMAQUE trouve de nombreux points communs entre cette époque de règne personnel et le contenu de la pièce. Pyrrhus exerce aussi un pouvoir absolu. Souverain légitime, il n’a pas de véritable conseiller, son confident n’a pas de poids sur ses décisions et le jeune guerrier, cruel et sans retenue, est habitué à n’obéir qu’à ses désirs et à son « bon plaisir ». Lorsque Phoenix tente de lui rappeler les risques d’un changement d’alliance, la colère d’Hermione et celle des Grecs paraissent sans importance au jeune roi. Il l’interrompt brutalement, ne lui répond pas et résume toute sa politique et ses soucis dans une formule lapidaire et révélatrice : 
 

« Andromaque m’attend » (IV, 6, 1392).

 
Tout est dit : seuls ses désirs le gouvernent. Devenu sourd et aveugle à tout, il ne se soucie plus que de satisfaire ses aspirations, de sacrifier tout à son plaisir immédiat. Le défi lancé par le jeune homme, qui couronne Andromaque lors du mariage, qui jure de défendre son fils, qui s’oppose ainsi ouvertement aux engagements et aux alliances antérieurs, est celui d’un monarque qui ignore les risques, oublie le poids de son entourage. Il n’hésite pas à braver tous les obstacles : il couronne la mère, « voue à [son] fils une amitié de père », reconnaît pour ennemis tous ceux qui le poursuivent, et « le reconnaî[t] pour le roi des Troyens » (V, 3, 15071512). Il n’a disposé sa garde qu’autour d’Astyanax, inconscient même de dépasser les limites acceptables par ses sujets et ses alliés… C’est alors qu’il se heurte à une réaction brutale, violente :
les Grecs « n’ont répondu que par un cri de rage », « Chacun se disputait la gloire de l’abattre » (v. 1514, 1517).
 
 
 

Louis, un roi exemplaire

 
Le public du temps peut voir là une évocation de la Fronde. Mais, alors que Louis XIV, soucieux des affaires du royaume, a triomphé de l’opposition, Pyrrhus, aveuglé, oubliant les intérêts de son peuple, méprisant l’ambassadeur ami, meurt, victime de cette démesure… Il n’est évidemment pas question pour Racine de dévaloriser le jeune Louis XIV, et le parallèle avec Pyrrhus ne peut être total. Le roi de France ne peut être complètement identifié au héros grec. Il est, en revanche, valorisé par sa différence, par sa capacité à triompher de ses propres passions, par son aptitude à se plier aux exigences de sa tâche. On sait par exemple que le roi de France n’épousera pas celle qu’il aime, mais celle qu’il doit choisir pour le bien du royaume : Mademoiselle de La Vallière, fille d’honneur d’Henriette d’Angleterre, devint favorite de Louis XIV mais le roi dut renoncer à son amour pour se conformer aux obligations de sa charge.