Billetterie

Jean Racine

Projet Andromaque

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LES DÉBUTS

Né à la Ferté-Milon 1, sans doute à la mi-décembre 1639, Jean Racine y passe son enfance. Devenu orphelin — sa mère est décédée en 1641, son père en 1643 — le jeune garçon est recueilli par ses grands-parents qui le font admettre, par charité, aux Petites Écoles de Port-Royal. Formé par les intellectuels de l’abbaye — souvent appelés les Solitaires ou les Messieurs —, il apprend le grec et le latin. Il peut ainsi lire, dans leur texte original, les principales œuvres des tragiques grecs.
 
Envoyé au collège de Beauvais, il est ensuite l’élève d’Antoine Lemaistre aux Granges de Port-Royal avant d’aller au collège d’Harcourt. Hébergé par son cousin, Nicolas Vitart, à Paris, il fréquente des écrivains qui l’encouragent à écrire. À partir de 1659, il rédige des poèmes, commence à produire des tragédies. Désireux d’obtenir un bénéfice ecclésiastique, il se rend à Uzès en 1661. Ne l’obtenant pas, il revient à Paris en 1663.
 
 

LA MATURITÉ

Pour gagner sa vie, Racine se lance dans la carrière d’écrivain. Dès 1664, il fait représenter sa première tragédie, LA THÉBAÏDE, et, grâce aux acteurs de la troupe de Molière 2 qui l’interprètent, obtient un réel succès. Colbert lui fait, en outre, attribuer une pension qu’il conservera jusqu’à sa mort.
 
 

LES COMBATS

Dans la vie de Racine, le théâtre est indissociablement lié au combat et aux conflits avec d’autres écrivains. Écrire, pour lui, c’est lutter, non seulement pour s’affirmer, mais également pour répondre aux critiques. La plus célèbre de ces rivalités est celle qui l’oppose à Corneille 3, auteur plus âgé que lui et au faîte de sa gloire lorsqu’il fait représenter ses premières œuvres.
 
Racine entreprend d’écrire des œuvres qui lui permettront de lutter contre ses deux « ennemis » : Molière, avec qui il s’est définitivement brouillé en 1665 à la suite des représentations d’ALEXANDRE LE GRAND 4, et Corneille dont il est toujours le rival.
 
Racine rédige une comédie, LES PLAIDEURS (1668) qui, aux dires de Molière, est un pastiche de LA FOLLE QUERELLE, pièce de Subligny 5 (qui était, elle-même, une parodie d’ANDROMAQUE). Selon les affirmations de Corneille, la pièce ne serait en outre qu’une parodie du CID… Si Racine triomphe de Corneille dès ANDROMAQUE, la guerre entre les deux auteurs se poursuit : BRITANNICUS (en 1669) révèle les capacités de Racine à lutter sur le terrain préféré de son concurrent. Il entreprend, en effet, de travailler sur l’histoire romaine et sur des thèmes politiques particulièrement chers à son prédécesseur. Le mois de novembre 1670 marque la victoire définitive de Racine : alors que Louis XIV et le public sont enthousiasmés par la BÉRÉNICE de Racine, la pièce de Corneille, TITE ET BÉRÉNICE, tombe au bout de vingt représentations…
 
 

ANDROMAQUE

Le 17 novembre 1667, lorsque sa pièce ANDROMAQUE, qui comporte 1648 alexandrins, est créée devant la Cour 6, elle remporte un succès immédiat. Les rôles principaux sont tenus par des acteurs très célèbres de l’époque. Mademoiselle Du Parc, grande tragédienne et maîtresse de Racine joue Andromaque. L’acteur Floridor a le rôle de Pyrrhus : à l’époque de Louis XIV, il est aussi connu que Molière, c’est l’un des plus grands comédiens de son temps, et il a longtemps joué dans les pièces de Corneille.
 
C’est une des raisons pour lesquelles on dit que Racine, avec ANDROMAQUE, a détrôné Corneille, qui était jusque-là considéré comme le meilleur auteur de tragédies.
Enfin, le personnage d’Oreste était interprété par un autre comédien réputé : Montfleury. Celui-ci meurt d’une attaque à la fin de l’année 1667, comme emporté par son rôle tragique… Cet événement a beaucoup marqué le public de l’époque, et a contribué à voir dans cette pièce une œuvre exceptionnelle. Le succès de Racine a suscité bien des jalousies à l’époque, celle de Corneille évidemment, mais aussi celle de Molière. Les partisans inconditionnels de Corneille ont refusé de voir la pièce, préférant le « viril » auteur au « tendre » Racine.
 
Le succès de Racine n’a jamais connu d’interruption et celui d’ANDROMAQUE non plus.
 
C’est au XVIIe siècle que l’œuvre du tragédien devient un véritable mythe. La plus grande actrice de cette époque, Mademoiselle Clairon, a impressionné les spectateurs par son interprétation très passionnée du personnage d’Hermione. À l’époque romantique, au début du XIXe siècle, c’est le comédien Talma, le plus grand de son époque, qui tient rôle d’Oreste et poursuit la tradition.
 
Tout au long de ce même siècle, ANDROMAQUE a toujours la faveur du public, grâce aux « stars » qui l’interprètent : Mile Rachel, par exemple, joue Hermione. Et surtout, Sarah Bernhardt, une actrice très célèbre, qui tient le rôle d’Andromaque, vers 1900. Au début du XXe siècle, Jean Marais met la pièce en scène en 1944.
 
Dans la deuxième partie du XXe siècle, ANDROMAQUE demeure, avec PHÈDRE, la pièce de Racine la plus jouée et la plus vue. Tous les grands hommes de théâtre ont voulu en donner une version, et parfois plusieurs. Certaines mises en scène sont entrées dans l’histoire comme celle de Jean-Louis Barrault en 1962, au Théâtre de l’Odéon à Paris. Des acteurs très connus du grand public ont joué dans cette tragédie, comme Miou-Miou (Hermione) et Richard Berry (Oreste) dans la mise en scène de Robert Planchon, en 1989.
 
La liste des metteurs en scène actuels qui ont monté ANDROMAQUE se confond avec celle de grands noms du théâtre français : Antoine Vitez (en 1971), ou Daniel Mesguich (en 1992), Philippe Adrien (en 2007).
 
Au Québec, la pièce fut montée à plusieurs reprises : rappelons les versions du Théâtre universitaire canadien avec Hélène Loiselle, Gilles Pelletier et Yvon Deschamps (1957); celle d’André Brassard au Théâtre de Quat’Sous avec Rita Lafontaine (1974) ; celle toute féminine de Lorraine Pintal au TNM avec Élise Guilbault dans le rôle d’Hermione, Louise Laprade dans celui d’Andromaque, et avec aussi Han Masson, Monique Miller, Huguette Oligny, Danièle Panneton et Christiane Pasquier (1994); celle de Françoise Faucher au Théâtre du Trident avec Marie-Thérèse dans le rôle-titre (1998), et, plus récemment, la version signée ANDROMAK de Simon Boudreault et sa compagnie Simoniaques Théâtre (2006).
 
 

LES TRIOMPHES

Durant dix années, les pièces se succèdent et les honneurs suivent les réussites et les gratifications. ANDROMAQUE, en 1667, obtient un succès considérable. La pièce, jouée devant le roi le 17 novembre 1667, apporte à Racine la faveur royale et celle de la Cour. Racine charme ses spectateurs en leur présentant les thèmes qu’ils affectionnent : la peinture des passions, les conséquences néfastes que leur satisfaction peut causer… La pièce fut ensuite jouée à de nombreuses reprises : on dénombre cent seize représentations entre 1680 et 1700.
 
Après un détour par la comédie (LES PLAIDEURS sont joués en 1668), Racine poursuit son œuvre tragique : BRITANNICUS paraît en 1669, BÉRÉNICE en 1670, BAJAZET en 1672. MITHRIDATE, en 1673, charme le public et le roi. IPHIGÉNIE, en 1674, connaît le triomphe et sera la tragédie racinienne la plus représentée au XVIIe siècle.
 
En 1677, l’échec de PHÈDRE, qui fut victime de la cabale opposant les partisans de Racine à ceux de Pradon 7– dont la pièce PHÈDRE ET HIPPOLYTE, provoqua un éphémère engouement -, l’éloigne du théâtre. Devenu historiographe du roi avec Boileau en 1677, Racine se consacre à cette tâche et s’éloigne du théâtre. Il se marie et vit en se vouant à l’éducation de ses enfants. Il est cependant si admiré qu’une édition de ses œuvres complètes paraît dès 1687.
 
 

LA FIN

Ce n’est qu’à la demande de Madame de Maintenon, qui a épousé Louis XIV et veut parfaire l’éducation des jeunes filles de Saint-Cyr en leur donnant à voir des pièces édifiantes, que Racine reprend la plume. En 1689, il écrit ESTHER, qui obtient un immense succès, puis ATHALIE en 1691.
 
L’interdiction de représenter ATHALIE, obtenue par les dévots qui refusent que l’on joue du théâtre au sein d’une église 8, pousse Racine à renoncer définitivement au théâtre.
 
Désireux de se réconcilier avec les maîtres de Port-Royal, Racine termine sa carrière en rédigeant les CANTIQUES SPIRITUELS en 1694. Il rédige également un ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE DE PORT-ROYAL qui ne sera publié qu’en 1767. Ces textes lui valent d’ailleurs une disgrâce relative, qui le suit jusqu’à sa mort, le 21 avril 1699. Il fut, selon ses vœux, enterré à Port-Royal.

 

 

1 Commune française du département de l’Aisne et de la région de Picardie
2 Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (15 janvier 1622 – 17 février 1673), dramaturge, acteur et directeur de troupe de théâtre
3 Pierre Corneille, dramaturge français né à Rouen le 6 juin 1606 et mort à Paris le 1 octobre 1684
4 En 1665, Racine donna ALEXANDRE LE GRAND, que joua d’abord la troupe de Molière. Insatisfait des acteurs, Racine n’hésita pas à remettre sa pièce à la compagnie rivale, l’Hôtel de Bourgogne.
5 Littérateur français qui vivait au XVIIe siècle, dont on ignore le lieu et la date de sa naissance, ni même de la date de son décès
6 Plus précisément dans les appartements de la Reine
7 Jacques Pradon (1644-1698) : soutenu par Corneille au début de sa carrière, il connut un succès éphémère.
8 Il ne faut pas, à l’intérieur même d’une école religieuse, représenter des pièces de théâtre, art profane et mensonger.