Billetterie

Romain Gary, l’enchanteur réaliste

La Promesse de l'aube

« Renato Zaga fuyait la vérité comme la peste. Il avait compris que le plus grand don qu’un artiste désireux de s’attirer les bonnes grâces du public pouvait faire à ce dernier c’était l’illusion. »

 
 

Par la voix de son narrateur, Romain Gary rappelle dans Les Enchanteurs la mission du romancier : « lutter contre la réalité ». Si le programme paraît étrange, il est pourtant lucide et ludique. Gary étudie la réalité, puis il s’amuse à la faire chanceler sur ses bases.
 
 
L’ENCHANTEUR
 
Pour lui, le romancier est un enchanteur qui efface la frontière entre réel et imaginaire. Le roman réaliste, dans cet esprit, ne doit pas reproduire fidèlement la réalité, mais l’utiliser comme « engrais de l’imaginaire », selon l’expression de Gary. De multiples réalités sont alors accessibles, et le personnage, maintenant libre, évolue dans un monde revu et corrigé. Le lecteur, lui, perd ses repères et voit les réalités nocives escamotées au profit d’autres réalités virtuelles chargées d’espoir. Du coup. « il n’y a plus lieu de se décourager », disait Gary.
 
 
LE RÉALISTE
 
Gary serait-il donc un illusionné qui refuse la réalité telle qu’elle est? Sûrement pas! Il a vu la misère de trop près et connaît trop les horreurs de l’Histoire. Il croit toutefois qu’il est inutile de témoigner de la souffrance sans concocter un médicament. Le roman est un moyen de « construire » un nouveau monde, car « ce que le romancier peut faire pour une société, dit-il, c’est seulement ce qu’il peut faire pour le roman ». L’impact social du roman se mesure à sa capacité de corriger une réalité souvent écrasante.
 
 

ET LE LECTEUR ET LA LECTRICE?
 
S’il accepte cet aller-retour entre réel et imaginaire, le lecteur voit s’opérer un enchantement grâce auquel les romans et la vie de Gary agissent sur sa vie. L’adolescent y trouve des astuces pour tromper une réalité difficile; l’adulte compare humblement sa vie au parcours de Gary, relève ses manches, et poursuit ses luttes avec une énergie renouvelée. Le lecteur mature, lui, s’interroge : pourquoi Gary a-t-il sauté hors du train? Peu importe, l’essentiel étant le bilan qu’il nous force à faire et qui mène, si on s’en donne la peine, vers la sérénité.
 
« Romain Gary luttait pour que l’homme exprime sa virtuosité », se disent le lecteur et la lectrice en refermant le livre. Et s’il en a peint les faiblesses, c’est pour montrer son immense capacité de résilience.
 
Jamais Romain Gary n’a perdu sa confiance en l’humanité.
 
 
Hugo Roy