Billetterie

Entretien entre Ginette Noiseux et Pierre Bernard

Les hommes aiment-ils le sexe, vraiment, autant qu'ils le disent?

D’où est venue l’idée de ce beau projet?

 
Ginette
« Nous avions prévu un autre projet artistique pour l’ouverture de la saison, mais qui n’a pas fonctionné. »
 
Pierre
« Ça fait 25 ans qu’on se connaît, Ginette et moi, on se parle beaucoup. Elle me raconte ses difficultés avec ce spectacle et je lui dis : Pourquoi tu ne ferais pas une création? Mais il est tard, on est en mars et il y a une brochure de saison à sortir. »
 
Ginette
« Les ami·es se réunissent au café du théâtre. Les discussions sont animées. On est dans l’urgence et cela a le formidable bénéfice de bousculer tous les a priori dans lesquels nous nous sommes – nous mêmes – enfermé·es au fil des années. »
 
Pierre
« Sous la pression de la rentabilité et d’autres standards qui n’ont plus rien à voir avec la nécessité de l’artiste. « La nécessité » de porter une parole, « de ce qui est dit sur scène », c’est au cœur de nos échanges depuis le début. »
 
Ginette
« À nos origines, celles du Théâtre Expérimental des Femmes, on ne se posait pas de questions sur la forme, mais sur le « fond ».
 
Pierre
« Pourquoi ne pas redonner sa chance à cette audace, cette liberté, cet engagement total de l’artiste de théâtre à l’endroit du public? »
 
Ginette
« Depuis un bon moment, j’avais envie de questionner la sexualité des hommes d’aujourd’hui. Wajdi Mouawad me fait part que l’auteure Marie-Eve Gagnon travaillait déjà sur cette idée. »
 
Pierre
« Sa prémisse, Les hommes aiment-ils le sexe, vraiment, autant qu’ils le disent?, faisait la synthèse de toutes nos discussions. On lui a demandé la permission de reprendre son titre pour lancer l’aventure. »
 
Ginette
« Pierre est un formidable interlocuteur et je lui ai demandé d’assurer la codirection artistique de ce projet avec moi. »
 
Pierre
« Assez rapidement, on a réalisé toute la complexité de cette question. Le thème ratisse large. »
 
Ginette
« C’est un vrai labyrinthe où il est facile de se perdre en cours de route en essayant de parler de tout; la sexualité des ados, l’homosexualité, les différences culturelles. On s’est donc concentré sur des histoires de couples hommes-femmes. C’est déjà tout un programme! (rires) »
 
 
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné dans les textes des auteurs?
 
Ginette
« Au départ, je souhaitais que les gens assis dans la salle s’identifient, se reconnaissent dans les personnages portés à la scène. »
 
Pierre
« On demandait aux auteurs et autrices de se commettre, ils et elles l’ont fait. »
 
Ginette
« Certaines situations, certaines répliques viennent me remuer dans mes propres histoires d’amour. Et puis, la lucidité décapante des propos, la grande tendresse qui s’en dégage à l’endroit du genre humain. »
 
Pierre
« L’originalité et la diversité des textes, la différence marquée entre les écrits des filles et ceux des hommes. »
 
 
Est-ce que c’est une question de filles?
 
Ginette
« C’est une fille qui l’a posée. »
 
Pierre
« Un gars ne l’aurait pas posée de cette façon. »
 
Ginette
« Quelques hommes dont je suis très proche m’ont dit : « C’est une question qui ne se pose pas. On peut pas parler de ces choses-là. »
 
Pierre
« Parce qu’ils voient la gravité de la question. »
 
Ginette
« Cette question-là n’est pas posée pour mettre en échec les gars dans leur identité. Mais c’est bien à ça que ça touche. L’homme porteur de millions de spermatozoïdes doit assurer la survie de l’espèce humaine et, encore aujourd’hui, s’élever, dans sa tête, au rang de héros. »
 
Pierre
« Qui va bander jusqu’à la mort. »
 
Ginette
« Et protéger la femme qui pond un œuf à la fois… »
 
Pierre
« Les filles, elles, sont heureuses qu’on la pose, cette question. Elles attendent des réponses. »
 
Ginette
« Finalement, c’est un show de filles qu’on est en train de créer! C’est comme si on demandait : Qu’êtes-vous devenus, les hommes de nos vies? Quel modèle d’homme, voulez-vous transmettre à vos fils et aux générations qui vous talonnent? »
 
Pierre
« Mais c’est des réponses de gars qu’on cherche! Quel impact souhaitez-vous créer avec ce spectacle? »
 
Ginette
« Je ne sais plus qui a écrit : « Ce siècle, parlant du XXe est celui de l’homme déraciné et de la femme abandonnée. » Les hommes qui se taisent supportent trop. Les femmes qui les aiment sont condamnées à une terrible solitude. »
 
Pierre
« Une dédramatisation entre les hommes et les femmes. Qu’il y ait une réelle rencontre à l’issue de la représentation. Que le spectacle se poursuive dans l’intimité des gens. »
 
Ginette
« Oui, que le spectacle se poursuive dans l’intimité des gens. C’est exactement ça. Donc, on est sur la même longueur d’ondes… »
 
 
Propos recueillis par Raymond Bertin