Billetterie

Entretien avec les metteu·res en scène

Les hommes aiment-ils le sexe, vraiment autant qu'ils le disent?

LES METTEUR·ES EN SCÈNE
Caroline Binet + Frédéric Blanchette + Patrice Dubois + Alice Ronfard
 
 
Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet?
 
Alice
« D’abord le thème. Et que des textes nous soient octroyés et des acteurs : la contrainte est amusante. »
 
Caroline
« Le côté aventure. »
Alice
« Et rencontrer d’autres metteurs en scène, confronter notre travail, avoir la possibilité d’en discuter. »
 
Patrice
« C’est vraiment une histoire d’équipe, entre nous et les auteurs, les acteurs, Pierre et Ginette. L’urgence m’a plu : on fait ça maintenant, veux-tu embarquer? »
 
Frédéric
« Le sujet : le sexe est partout mais on n’en parle rarement de façon réelle. On s’en sert pour vendre, mais la vraie importance du sexe dans la vie, c’est rare que, même entre amis proches, on en parle. C’est pertinent d’amener ce thème au théâtre. Et j’aime la courte pièce, qui demande une rigueur de tous les participants. »
 
 
Est-ce que c’est une question de filles?
 
Alice
« J’aime entendre les gars parler de ça. Quand Denis dit : pour moi, une journée sans venir est une journée perdue… »
 
Caroline
« Ou quand il rencontre une fille, c’est : baisable? pas baisable? »
 
Alice
« C’est clair! »
 
Patrice
« Ça, c’est une réflexion de gars, ça n’en fait pas une question de gars. On a notre façon de réfléchir, mais je ne suis pas sûr qu’on a envie de se poser ce genre de question. »
 
Alice
« En tout cas, les hommes aiment le sexe. Autant qu’ils le disent? Probablement. »
 
Caroline
« Sinon plus… »
 
Patrice
« En parler, oui. Mais la pensée, les démons dans la tête sont souvent plus forts que la parole autour d’une bière. »
 
Alice
« Il y a une libido différente, quelque chose de physiologique, chez l’homme : le désir est musculaire, il bande. Comme fille, t’as pas le même contact physique avec ce désir. »
 
Caroline
« J’avais lu un truc qui disait : il vient chez moi comme il va au gym; après tout, un muscle pour un autre… (rires) »
 
Frédéric :
« Honnêtement, comme gars, il n’y a pas grand-chose dans la vie qui n’est pas relié au sexe : le travail, les gens qu’on rencontre, le sport, les loisirs, la séduction, un bec sur la joue, tout est sexué. »
 
Patrice
« Ouais, ç’a de l’allure… (rires) Mais est-ce que ce n’est pas une question de société? Est-ce qu’on ne devrait pas dire les hommes de maintenant, en Amérique? »
 
Frédéric
« Ou dans le Plateau Mont-Royal? »
 
Alice
« Les sociétés occidentales ont une sexualité dégénérée. On ne sait plus faire la différence entre sexualité et pornographie. On doit être un objet érotique avant d’être un sujet pensant. La notion de séduction a disparu. La publicité travaille sur des idées très claires. »
 
Frédéric
« Dans l’intimité, tout ça prend le bord. »
 
Caroline
« Il y a un contraste entre ces images et le moment où deux êtres humains nus se retrouvent avec leur vulnérabilité. »
 
Alice
« Seulement 20 % de l’humanité vit ce rapport-là. Pour l’Africain, l’Arabe, l’Asiatique, les Inuits, l’approche est différente. »
 
Patrice
« Donc, ni gars, ni fille, c’est une question culturelle. »
 
 
Y a-t-il une réponse à cette question?
 
Patrice
« Non, il y a des réponses. »
 
Alice
« Il y a des hommes et des cultures, des sociétés. »
 
Patrice
« Il y a des réponses associées à des contextes. »
 
Caroline
« Des oui mais selon les contextes. »
 
Alice
« Les sociétés bougent, donc la sexualité bouge. »
 
 
Comment souhaitez-vous que les spectateurs et les spectatrices reçoivent ce spectacle?
 
Patrice
« Avec leur sexualité. Il y a un effet miroir dans les textes, il faut que les gens plongent : moi, où je me situe par rapport à ça? C’est pour ça qu’on a placé les spectateurs les uns en face des autres, ce n’est pas innocent. Ça crée une intimité et une confrontation. »
 
Frédéric
« Si on aborde la question avec une dose d’impudeur, de sincérité, ça va appeler l’ouverture des gens entre eux. »
 
Alice
« J’aimerais juste qu’ils rêvent à quelque chose, qu’ils puissent partir dans leur imaginaire, peut-être se souvenir de leurs propres histoires d’amour. »
 
Caroline : Que ça plonge dans une sorte de sensualité. Si je parle en tant que spectatrice, c’est parfois difficile, après, de dire pourquoi j’ai été happée. »
 
Alice
« On est dans une conception abstraite avec cette pièce : on ne sait pas ce qui va se passer, quelque chose nous échappe. Ce danger est intéressant. »
 
Frédéric
« Je ne pense pas qu’un auteur qui écrirait une pièce tout seul aurait la prétention de sortir un titre comme ça et d’y répondre. À plusieurs, on se cache… »
 
Caroline
« On se protège! (rires) »
 
 
Propos recueillis par Raymond Bertin