Billetterie

Mise en contexte

Les Feluettes

La production mise en scène par Serge Denoncourt à l’ESPACE GO se déroule en milieu carcéral dans les années cinquante. Pour présenter l’œuvre dans ce contexte, les concepteurs se sont documentés sur la situation qui prévalait dans le milieu à cette époque. Voici un bref résumé de la situation.
 
 

Vue de l’intérieur
 
Si, en 1952, Simon avait vraiment existé, il aurait fait face à l’une des réalités carcérales les plus difficiles de tout le pays. Au Québec, à cette époque, un homme ayant commis un délit passible d’un emprisonnement de plus de deux ans et un jour se retrouvait au Pénitencier de Saint-Vincent de Paul, baptisé par les détenus le Vieux Pen. Véritable forteresse érigée en 1873 à Laval, ce bâtiment, constitué d’un dôme central et de cinq ailes, à raison de 350 cellules par aile, deviendra rapidement une institution militarisée dont la philosophie carcérale repose essentiellement sur des notions de maîtrise et de sanction des détenus.
 
À l’époque, une cellule au Vieux Pen mesure environ 4 pieds par 8 pieds. On y retrouve une paillasse pour dormir, parfois un oreiller et une planche de bois pliable en guise de bureau. Beaucoup des cellules qui ne possèdent pas encore d’installations sanitaires sont équipées d’un seau que l’on vide chaque matin et dans lequel on ajoute de la chaux. La compagnie des rats et autres vermines est si importante que les détenus mettent des cartons à la base des barreaux de la cellule pour les empêcher d’entrer. Les châtiments par le fouet ou la « strappe » sont monnaie courante, et les suicides nombreux.
 
Cependant, le pénitencier n’est pas uniquement un lieu de détention, c’est aussi une véritable fabrique alimentée par le travail des prisonniers. On y retrouve des ateliers de couture et de bois d’où proviennent divers produits destinés tant à la consommation extérieure qu’interne. Les prisonniers fabriquent leurs propres uniformes et l’ameublement de leurs locaux. C’est là que beaucoup d’entre eux réussissent à mettre la main sur des objets banals pour un civil, mais très prisés par les détenus. Ficelles, bouts de bois, miroirs, cartons et broches sont d’importantes monnaies d’échange aux utilités souvent inusitées : une corde et un poids deviennent ce que l’on appelle un « cheval », soit un outil pour s’envoyer de cellule en cellule des objets ou de l’information, tandis que quelques broches ou un bout de bois travaillé avec de la pierre deviennent un « pic » dangereux. Ces activités clandestines sont plutôt périlleuses étant donné la sévérité des châtiments, mais elles sont un des derniers retranchements, un acte d’échange essentiel, de liberté, une revendication de l’identité des détenus dans un lieu uniformisant et hégémonique.
 
Le Pénitencier de Saint-Vincent de Paul, jugé désuet par les autorités judiciaires et politiques de l’époque, ferme définitivement ses portes en 1988 après plus d’un siècle de domination sur les rêves brisés et les silences de milliers d’hommes.