La Bête dans la jungle
25 au 28 septembre
2002
« Oh c’est… c’est une pensée très simple, elle a trait à l’apparence des choses… Je crois que l’apparence des choses est toujours trompeuse mais qu’à la longue cette tromperie de l’apparence devient l’équivalent de leur vérité, leur vérité même, et que sans doute il n’y a que ce faux-semblant qui au jour le jour puisse supporter d’être vécu. »
– Catherine
Dans le château anglais de Weatherend, une réception vient d’avoir lieu. Dans une salle où sont exposées des toiles, Catherine Bertram et John Marcher se rencontrent. Un souvenir refait surface. Ils se sont déjà vus, en Italie, il y a de cela plusieurs années. À Rome ou à Pompéi? À Pompéi. Catherine se souvient de tout, de cette journée d’orage où John lui confia le plus grand secret de sa vie. Intuition? Plus : certitude. John est persuadé qu’il sera victime d’un événement terrible, dont il ignore tout, mais qui donnera un sens à sa vie. Il offre à Catherine d’attendre avec lui l’avènement de ce malheur, de cette bête qui attend dans l’ombre le moment opportun pour se révéler. Mais le temps s’écoule et s’étiole et la bête ne vient pas. On la croit morte, et pourtant…
LA BÊTE DANS LA JUNGLE, c’est d’abord et avant tout la rencontre de trois grands, Henry James, James Lord et Marguerite Duras, tous trois fascinés par le mythe de Narcisse qui, s’étant épris de lui-même en se regardant dans l’eau d’une fontaine, fut changé en la fleur qui porte son nom. Henry James, auteur et nouvelliste d’origine américaine, transpose le premier le mythe en une nouvelle : The Beast in the Jungle. James Lord, chroniqueur d’art, biographe et ami de Giacometti, Bacon et Picasso, adapte ensuite la nouvelle au théâtre. La célèbre romancière française Marguerite Duras travaille à deux reprises l’adaptation de Lord et propose des modifications radicales qui resserrent l’action et l’ouvre sur des thèmes qui lui sont chers : la mémoire, le souvenir, les secrets et les non-dits. Éric Vigner, qui fréquente l’univers « durassien » depuis déjà quelques années, prend le flambeau et porte à son tour à la scène cette « Bête » terrifiante et superbe, qui « attend tapie dans la jungle, prête à bondir ».
Éric Vigner dirige le Centre dramatique régional de Bretagne (maintenant appelé CDDB – Théâtre de l’Orient) depuis 1995. Artiste extrêmement sensible et talentueux, il est régulièrement invité à créer des spectacles à la Comédie française. L’histoire lui devra d’introduire pour la première fois au répertoire de cette vénérable institution un auteur contemporain en la personne de Duras avec le texte de SAVANNAH BAY qu’il crée cette automne. Également plasticien de formation, son travail de mise en scène est fortement inspiré des arts visuels. Les réflexions sur la relation entre l’espace et la représentation sont au centre de ses préoccupations. Pour LA BÊTE DANS LA JUNGLE, il signe tant la mise en scène que la scénographie. Cherchant à s’éloigner d’un esthétisme de l’illustration, il choisit un décor qui permet aux spectateurs de pénétrer dans un paysage intérieur où « l’espace se construit et se détruit, peuplé d’une multitude de fantômes ». Tout dans ce spectacle (les chansons, les ambiances sonores, sans oublier la lumière) est mis en forme pour entrer en contact avec le monde des sens, de l’intimité et des secrets.
En plus de présenter des œuvres des répertoires classiques et contemporains, le CDDB – Théâtre de l’Orient se veut un centre de création tourné vers l’avenir, repérable et identifiable au niveau national et fortement ancré dans son environnement. Depuis son ouverture en 1996, le CDDB a proposé plus de 20 créations qui ont été présentées à une audience nationale et internationale.