Billetterie

L’écroulement du credo

Credo

Comme un rêve, le texte de Credo demande à être interprété. Fait de mots, d’images, d’émois, il devient parfois cauchemar. Échappé de l’inconscient, il garde sa part de mystère, d’ombre et de poésie. Il mêle le vrai et le faux, la réalité interne et la réalité externe : « Ensuite, je te raconterai toutes sortes d’histoires fausses et vraies, sans que tu puisses démêler le mensonge de la vérité. » À la manière d’un rêve, c’est un texte fragmenté autant dans les phrases, dans les lieux que dans les temporalités; et, surtout, il existe bien au-delà de tout ce qu’on pourrait en dire.

 

Ce texte, ce sont les paroles d’une femme à un homme. Cette femme existe par les mots : elle se souvient, revit la douleur, fantasme la torture, veut tuer et fait tout s’écrouler par le pouvoir des mots. L’enfance lui revient par bribes, selon des voies associatives, à travers des scènes tantôt froides, tantôt pleines d’horreur. Des scènes que ne nourrit aucun amour. Puisqu’il lui était interdit de commencer une phrase par « je », les frontières entre le « je » et le « tu » ont été mal définies. Elle se perçoit, ce soir, dans la patience de la haine, comme un amas de ferraille, une carcasse mue par un immense désir sexuel, une machine à tuer.

 

Elle parle, elle boit, elle attend cet homme. Elle le nourrit, lui sert à boire. Il est, comme elle, construit de bric et de broc : « Et j’ai vu ce que tu étais : un oreiller, une chaise, un manteau, une sacoche, un bol, un dictionnaire usé, une armoire de bricolage, un journal. » Il représente pour elle ce métal tordu qui tapisse son âme. Il condense l’interdit et le désir, la solitude et la quête, la douleur. Il est l’objet du mépris. Objet de toutes les croyances, il est ce credo dont elle doit se défaire violemment. Elle sait pourtant que ce meurtre — mais comment le tuera-t-elle? — sera « une manière de suicide ».

 

Texte dense qu’aucune lecture ne saurait épuiser. Comme une spirale, la parole repasse et repart mêlant les sens, fracturant les scènes et les personnages, conduisant l’interprétation dans des lieux jamais clos. S’agit-il de la métaphore d’une lente et douloureuse libération accomplie dans une cure où la parole seule permet l’appropriation de soi et la survie psychique? S’agit-il d’un délire qui enferme la folie dans un labyrinthe refermé sur soi? Ou encore d’un homme qui donne à voir la femme blessée qu’il porte au creux de sa déchirure? Quelle résonance intime ce texte aura-t-il en chacun de nous?

 

À travers ces mots, cette femme trouvera-t-elle, à la fin, le silence qu’elle associe à la beauté?
 
 

Marie-Claire Lanctôt Bélanger