Billetterie

Autour de la pièce de Michel Garneau

Les Guerriers

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Gilles et Paul ont une œuvre à accomplir. Un contrat à remplir. Les Forces armées canadiennes cherchent un nouveau slogan, quelque chose de plus convaincant encore que le génial : Si la vie vous intéresse. Ils ne sont que deux; ils ont dix jours pour trouver.
 
Avec LES GUERRIERS, Michel Garneau nous amène dans l’arène où Paul le rationnel et Gilles le créateur combattent pour la dernière fois. Il nous montre une joute implacable, arrosée de scotch et saupoudrée de cocaïne. Il nous donne à voir une empoignade désespérée où les deux hommes révèlent toute l’étendue de leur cynisme et les dégâts causés par des années de compromission.
 
La guerre, c’est l’objet de LES GUERRIERS. La réalité de la guerre, avec les missiles qui explosent et les vies qui sautent n’est pourtant pas au centre de la scène. La guerre, la vraie, elle s’épanouit autour de Gilles et Paul.
 
Autour de nous. Les guerres et, partant, toutes les manifestations qui glorifient la violence, Garneau nous les donne à voir par le biais d’une lunette, un périscope dont l’œil est bien ouvert sur l’histoire. Gilles et Paul sont à l’abri.
 
Leur travail, c’est de fabriquer une image de l’armée. Tant pis si derrière l’image il y a la réalité. Si la machine à fabriquer des idées ne fonctionne pas aussi bien qu’elle le devrait, c’est que le cœur est malade. Gilles le créateur rêve de sa propre mort et crève de peur à l’idée de perdre sa dérision – sa principale source d’inspiration, plus encore que sa sensibilité, sa culture et son esprit d’invention. Pour arriver à trouver ses slogans brillants – Garneau lui attribue le célèbre : Le lait, c’est vachement bon! – Gilles a payé le gros prix. Tout y est passé : son intégrité, son talent démesuré et sa santé. Ce n’est pas encore assez. Pour obtenir enfin sa « libération », pour profiter des deux années sabbatiques payées que lui offre Paul s’il trouve le slogan, Gilles est prêt à tout. Même à y laisser sa peau.
 
Paul, au contraire, est en grande forme. Beaucoup trop rationnel pour se perdre dans sa souffrance comme le fait Gilles, il observe et calcule. Manipulateur brillant, il sait doser les cigares, le scotch et la cocaïne pour que Gilles carbure. Son intelligence, son assurance, son charme, il les met entièrement au service de son association avec Gilles. Car c’est bien d’association qu’il s’agit. Je suis ton artiste, ton intellectuel, le cœur, dit Gilles. Toi, t’es mon politicien, mon financier, la tête. On est les deux forces qui font marcher le monde. (LES GUERRIERS, p.74-75) Gilles et Paul ont besoin l’un de l’autre; leur relation, pour éprouvante qu’elle soit, est nécessaire.
 
Que devient la raison de Paul si l’émotion de Gilles vient à flancher? C’est la panne. L’arrêt. Le noir final. Quand le cœur n’y est plus, la tête restée seule fait ce qu’elle peut pour continuer de valser. Pour marquer le rythme, il ne lui reste plus que le bruit des bottes et des échos de marche militaire.
 
 

Emmanuelle Roy
Dramaturge