Billetterie

Philippe Minyana en quelques mots

Inventaires

Le style Minyana, c’est le déferlement des mots, avec humour et ironie.
 
Philippe Minyana : « Moi, dans la vie, je parle vite et j’aime bien que ça aille vite. J’aime bien, au théâtre, quand il y a une parole d’urgence, quand il y a un peu de fièvre. »
 
 
 
Vous faites ce que vous appelez « une collection de faits divers ». Vous avez d’ailleurs écrit INVENTAIRES à partir de témoignages de femmes habitant Paris ou la région parisienne.
 
Philippe Minyana : « Ça vient d’une circonstance très précise. À France-Culture, il y a une émission, comme ça, de recherche, de travail, qui s’appelle « L’atelier de création ». On nous a prêté un studio pendant une semaine, et tous les jours j’ai reçu des gens qui me racontaient leur vie. Ça a été décisif, vraiment, d’entendre cette parole, cette émotion, cette violence, cette obscénité de la parole où les gens disent tout, surtout les femmes. Elles racontent tout, tout, tout : la sexualité, le mariage, les hommes; elles n’ont pas de tabous sur le langage. C’était très beau, très émouvant, et de là, je me suis dit : « Je vais écrire Inventaires. » Je suis allé interviewer trois femmes plusieurs fois. L’une, c’était une amie d’Edith Scob, une ex-militante syndicaliste, l’autre, c’était la mère d’un camarade, une ouvrière, soudeuse dans une usine, et la troisième, qui était ma voisine, était secrétaire bilingue dans un hôtel. »
 
 
 

Des interviews, ce n’est tout de même pas du théâtre.
 
Philippe Minyana : « Les interviews, c’est quand même de la matière morte, c’est-à-dire que c’est beaucoup du commentaire. J’écoutais les bandes dans le désordre, je les ai oubliées, et je n’ai gardé que des prises de notes, comme ça, d’événements que je ne pouvais pas connaître parce que je suis trop jeune (je n’ai pas l’âge de connaître les guerres, par exemple). Et puis j’ai fait ces trois monologues, comme ça. Je les ai écrits assez vite, avec la mémoire des choses réelles, mais en reconstituant leurs vies, en fait. À tel point qu’Angèle, la dame qui faisait Angèle, a été très fâchée après moi. Quand elle a vu le spectacle, elle a été outrée parce que je faisais mourir tout le monde : son mari, ses beaux-frères… »
 
 
 
Lionel Povert a écrit à votre sujet : « il veut cracher aujourd’hui tous ces mots qu’il a enfouis au fond de sa mémoire. » Vous êtes fasciné par les mots?
 
Philippe Minyana : « Ah, complètement! Et je suis fasciné aussi par la structure du langage oral; j’adore entendre parler les gens dans le métro, dans les bus, la façon dont parlent les gens, les phrasés et le rythme de la parole. Et la musicalité. Et la musicalité, l’exotisme de la parole. Et j’essaie, dans mes pièces, de retraduire ça. C’est trois locomotives, ces bonnes femmes, trois TGV. Il faut qu’elles entrent, qu’elles disent tout, alors elles vont vite, et donc il n’y a pas de ponctuation. Et si elles respectent vraiment ma partition, elles doivent aller vite. »
 
 
 
La notion de plaisir, est-ce important au théâtre?
 
Philippe Minyana : « Oui. Pour moi c’est lié au plaisir aussi, à la jubilation de la parole. Je ne perds jamais l’idée de grotesque et de drôlerie. Je ne peux pas faire un théâtre sinistre et triste et qui se prend au sérieux. Je pense que ces bonnes femmes, qui racontent toute leur vie, qui déballent tout, elles jubilent, elles sont contentes de tout dire. »
 
 
 
Comment concevez-vous le théâtre aujourd’hui?
 
Philippe Minyana : « J’ai l’impression que le théâtre est un endroit de liberté extraordinaire. Un des plus grands endroits de liberté de la création. Parce qu’il est plein de propositions. Je lis beaucoup de textes et je trouve qu’il y a quand même beaucoup d’auteurs passionnants. Il y a toute une série de jeunes auteurs qui se tournent à nouveau vers l’épopée, vers l’invention, vers un théâtre beaucoup plus poétique, beaucoup plus épique, beaucoup plus éclaté. C’est une nouvelle tendance qui, en fait, correspond au monde en désordre, à ce qui nous parvient du monde, aux éclatements, aux guerres, aux fractures, aux faillites, aux pertes, et ce théâtre d’aujourd’hui raconte ça. Moi, je trouve qu’il y a une parole de plus en plus universelle. Le théâtre, il est porteur de ça. »