Billetterie

Claudel, le baroque

Tête d'or

S’inspirant sans doute du portrait dit le Chandos, Claudel salue quelque part Shakespeare, avec une affectueuse irrévérence, parlant de sa tête « en forme de cornichon ». Ce signe de la main n’est pas fortuit : il se sentait  sans doute une parenté viscérale avec le grand dramaturge élisabéthain.
 
Claudel est en effet le seul écrivain français dont l’inspiration soit constamment nourrie par cette vision globale, cosmique de l’homme dans l’univers. Molière l’a saisie dans DOM JUAN; Musset, dans LORENZACCIO. Pour Claudel, c’est une intuition qui le guide dans son œuvre entière et particulièrement· dans son théâtre, mises à part ses pièces purement dévotes… Claudel est baroque avant toutes choses : il utilise toutes les formes possibles et imaginables d’écriture et de pensée, allant du lyrisme le plus visionnaire au réalisme le plus quotidien, des envolées les plus sublimes aux expressions les plus prosaïques, des essors les plus purs de l’âme aux exigences les plus frustes de la chair. Il abonde de métaphores retentissantes· et inattendues, ou exquises et recherchées sans craindre de se faire taxer de mauvais goût par les esprits délicats. Il est toujours conscient de la sonorité de son langage, quelque fois précieux, le plus souvent charpenté comme l’ossature d’un édifice.  Il joue de l’assonance, de l’allitération et de la consonance, comme peu d’écrivains de langue française savent le faire.
 
Et puis, il connaît, l’ayant vécu, la passion qui dévore l’être humain et qui le mène à son salut ou à sa perte. Passion des sens, du pouvoir; de l’argent ou du sacrifice. Mais, le centre de son univers, autour de quoi toutes choses gravitent, ce n’est pas Dieu, c’est l’Homme. L’Homme dont il n’a jamais cessé, parfois avec un humour de paysan et une notion un peu surannée de l’ordre  social, de génialement tracer la destinée absurde et exaltante, sur terre et au-delà.
 
 
Jean-Louis Roux