Billetterie

Bernard-Marie Koltes

Dans la solitude des champs de coton

Retour à la pièce

Bernard-Marie Koltès est mort jeune. Comme Kafka, Kleist, Tchekhov À quarante et un ans, le 15 avril 1989. L’image est usée, mais juste : trajectoire d’étoile filante… Entre 1983 et 1988, Patrice Chéreau, alors directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, a monté quatre de ses pièces : COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS en 83, QUAI OUEST en 86, DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON en 87, LE RETOUR AU DÉSERT en 88. Le metteur en scène célèbre consacrait l’auteur inconnu et choisissait, qui plus est, de lui être fidèle : d’inscrire son œuvre dans le répertoire dramaturgique du vingtième siècle.
 

Koltès est né à Metz le 9 avril 1948. À dix-huit ans, il quitte sa petite ville de province et voyage : les États-Unis, le Canada. (Où exactement? Les références européennes ne le précisent pas. On sait que plus tard, il visitera quelques fois Montréal, où il avait des amis.) New York le fascine. À Paris, au retour, il voit Maria Casarès jouer MÉDÉE. Le choc. Il choisit d’écrire pour le théâtre, alors que jusque-là il rêvait de romans. Avec l’enthousiasme de l’amateur, il écrit et met en scène LES AMERTUMES, d’après ENFANCE de Gorki, à Strasbourg. Le directeur du Théâtre national assiste par hasard à une représentation, et le fait entrer à l’école du Théâtre national, en régie, où il continue à écrire et à monter des pièces avec les élèves.

 

Les réalisateurs de radio s’intéressent bientôt à son œuvre. Dans les années soixante-dix, deux textes sont diffusés sur les ondes de Radio-France Alsace : L’Héritage (et, bonheur, Maria Casarès en est), et Les Voix sourdes. Il voyage toujours. L’URSS, l’Afrique et l’Amérique, encore. Il écrit et séjourne au Guatemala et en rapporte COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, tributaire de l’expérience africaine. Lecture publique, publication, diffusion radiophonique… Bientôt le milieu parisien est alerté : il y a cet auteur en province…

 

À la suite des productions de Chéreau, le renom de Bernard-Marie Koltès s’étend en France et à l’étranger. Ses pièces sont montées en Hollande, en Espagne, en Allemagne. Heiner Müller fait une traduction, contestée, de QUAI OUEST. Trois jours avant sa mort, Peter Stein créait en allemand sa dernière pièce, ROBERTO SUCCO, que reprendra Chéreau cette année.

 

Maria Casarès, qui joua dans QUAI OUEST, se souvient : « On aurait dit un nomade qui passait, qui regardait avec bienveillance et avec une luminosité exceptionnelle. Il passait avec une sorte de sympathie de sentiment, peut-être de compassion, mais le grand sens du mot, c’est-à-dire qu’il souffrait avec les gens qui étaient là et qui travaillaient. Il accompagnait cela d’une telle légèreté qu’on se demandait où il accrochait sur terre. »1 Une étoile filante…

 

 

Aline Gélinas

 

 

1 – Tiré de l’article Les Confins au centre du monde, paru dans le numéro 35/36 de la revue Alternatives théâtrales, entièrement consacrée à Koltès.