Mireille a été une des premières personnes à me contacter quand je suis entrée en poste. J’avais ouvert la porte à qui voulait me rencontrer dans le désir d’être étonnée, de ne pas me cantonner aux pratiques et artistes que je connaissais déjà. Je cherchais le déplacement, l’émerveillement, le choc. Pour moi, le théâtre est l’espace du non-connu-encore, de ce qu’on espère sans en avoir même conscience.
Je tiens à la remercier aujourd’hui d’être venue vers moi. Elle m’a ouverte, m’a renversée de son feu, de son honnêteté, de son non-conformisme. How to save a dear friend : formules pour sortir-au-jour, s’ouvre sur le mythe d’Isis et Osiris. Ce corps fragmenté en 42 morceaux qu’on cherche à réassembler pour qu’il puisse naître à nouveau, il est partout dans le travail de Mireille. J’ai assisté à plusieurs étapes de recherche où un fragment ou un autre était affiné, poli, et j’ai compris que c’était là ce qui faisait l’immense force de Mireille : chaque chose, même minuscule, est réfléchie avec attention. À la racine de son projet, il y a, entre autres, la force de l’amitié. Cette puissance est partout dans son travail. L’égard qu’elle accorde à chaque moment, à chaque geste, à chaque personne, il est d’une profonde amicalité. Mireille est là, entière, consciente de l’importance capitale du moindre instant lorsqu’on est en relation avec le vivant, qu’il soit objet d’art ou personne chérie, vivante ou disparue.
Une minutie extraordinaire aura porté le processus, déterminé les choix. Telle Isis qui cherche et assemble des morceaux meurtris mais tendrement aimés, Mireille a inventé une forme nouvelle. Une forme active, une forme geste. Elle est invitation à la fois poétique et concrète à tenir, à rester là; elle est l’inverse de l’abandon.
Et ainsi, je remercie Mireille pour l’enseignement d’intégrité absolue, autant artistique qu’humaine. En honorant ses morts, son héritage, ses luttes et ses proches, Mireille a créé, avec patience et une honnêteté rigoureuse, un spectacle qui puisse contenir ces morceaux en apparence épars, mais qui appelaient à être liés, tissés pour devenir filet où nous pouvons, spectateur·ices, à notre tour, nous déposer.
Édith Patenaude
Directrice artistique et codirectrice générale