Billetterie

Solène Paré – An 1

Artiste en résidence (Cycle 3)

SONGE LIBRE

 

En salle de répétition, quand une série de gestes et de mots ont été répétés suffisamment, inlassablement, dans diverses positions, il m’arrive d’assister à des naissances.
C’est peut-être ma partie préférée.
C’est euphorique.
Parfois, l’acteur ou l’actrice s’en rend compte.
Parfois non.
Parfois j’en parle : « Ça vient de se produire! »
et on va prendre un verre.
Parfois je préfère le garder pour moi un moment,
aller boire seule.
Ça dépend.

 

Quand un personnage naît,
la machinerie s’allège.
On y croit, tout simplement.
J’irais même jusqu’à dire que le personnage lui-même se croit réel.
Il voyage sous les mots.
Il s’empare d’un corps.
Il est là,
sur le seuil, entre « jouer » et « être ».
Condensation de faussetés, il vit.

 

Le théâtre comme le rêve ont ça de rassurant : ils nous présentent la réalité comme une sensation qui s’emprunte, qui se fabrique. Capables de faire apparaître un monde, ils nous disent pourtant du même souffle « t’inquiète, c’est pas la vie », nous laissant, dans nos lits au petit matin ou au sortir d’une salle, moins saisissables que nous le pensions jusqu’alors.

 

J’aime rêver.
Y a-t-il meilleur contrat que le rêve?
Meilleur outil d’excavation?
Je crois que ce choc entre expérience sensorielle et intellectuelle a le pouvoir de nous révéler une partie cachée de nous-mêmes. (Je pense d’ailleurs que l’attention portée aux rêves devrait être une discipline citoyenne, un devoir, mais ça c’est une autre histoire.) Malheureusement, on ne peut que s’avancer seul.e dans le sommeil.
Impossible de trouver, au réveil, une personne ayant circulé dans la même fiction.
Impossible de dire, tout bêtement « Aide-moi à comprendre ce que j’ai ressenti » sans avoir à structurer la chose par les mots.
Impossible de rendre l’impression exacte, à l’abri de toute compréhension linéaire du monde.

 

Au cours de cette résidence de trois ans, je tenterai de mettre en scène des songes pour plusieurs témoins.

 

Puisse-t-on nous échapper un peu moins.
Puisse-t-on se sentir moins seul·es.
 
 
Solène Paré
Artiste en résidence